Un pansement budgétaire pour cacher le vrai bobo

1 avril 2016

Le premier budget du gouvernement Trudeau a certainement signifié un changement de cap important au plan fédéral. Généreux pour plusieurs, il a cependant introduit une mesure qui crée un malaise : en reconnaissance des coûts engagés par les enseignantes et enseignants pour l’achat de fournitures scolaires, le budget 2016 propose un crédit d’impôt de 15 %. 
Le problème, c’est qu’aucune enseignante ni aucun enseignant ne devrait avoir à dépenser un sou pour du matériel scolaire dans un système d’éducation public financé adéquatement. Le danger, c’est qu’en créant un tel crédit d’impôt, on reconnaît implicitement qu’il est normal que les profs aient à payer de leur poche pour du matériel qui devrait être fourni par les commissions scolaires.

Vous conviendrez également qu’il est particulier que le gouvernement fédéral, dont ce n’est pas la compétence, reconnaisse que, faute de ressources, les enseignantes et enseignants sont trop souvent pris à mettre la main dans leur poche pour leurs élèves afin de pouvoir leur offrir du matériel de qualité, alors que Québec ne semble toujours pas s’être rendu compte du problème.
Si les commissions scolaires acceptent de reconnaître ces dépenses, plusieurs profiteront sûrement de ces quelques dollars de plus. Le problème est en amont : il est question de livres pour la classe, de fournitures d’art, d’articles scientifiques, de logiciels de soutien éducatif, de papier, de colle, de carton, de crayons. Ce sont là des fournitures de base. 
Dès lors, on ne peut que constater le véritable bobo derrière ce pansement : l’inacceptable sous-financement chronique de l’éducation. Est-ce que le gouvernement nous dit qu’il est attendu des enseignantes et enseignants qu’ils compensent le désengagement de l’État en éducation et les compressions des dernières années? Ce crédit d’impôt ne doit surtout pas être une invitation à prendre sur nos épaules une partie de la responsabilité pleine et entière du gouvernement du Québec de financer adéquatement le système public d’éducation. 
Visiblement, en instaurant ce crédit d’impôt, le gouvernement fédéral dresse un constat accablant du financement du réseau scolaire du gouvernement du Québec. On comprend qu’il aurait fait d’autres choix.  
En terminant, si on peut retenir un élément positif du débat concernant ce crédit d’impôt, c’est qu’en reconnaissant les dépenses que font les profs pour du matériel scolaire, le gouvernement fédéral reconnaît du même coup leur engagement pour la réussite des élèves et leur grand professionnalisme.
Josée Scalabrini
Présidente de la FSE