Un faux départ pour la CAQ en éducation

10 octobre 2018

La démocratie a parlé, la CAQ vient tout juste d’être portée au pouvoir. En campagne électorale, elle a clairement fait connaître ses priorités en éducation : dépistage et intervention précoce auprès des élèves ayant des difficultés d’apprentissage, ajout de ressources professionnelles et de soutien, augmentation de salaire chez les nouveaux enseignants et enseignantes, maternelles 4 ans et réfection du parc immobilier des écoles québécoises. Nous pouvions donc nous attendre à ce que le gouvernement ouvre ces chantiers en premier, en toute cohérence avec son discours de campagne.
Nous avons donc été franchement surpris de voir apparaître la question du port des signes religieux dans les écoles lors de la toute première sortie publique du premier ministre. Pourquoi s’attaquer à une telle question maintenant, d’autant plus que même si elle faisait partie du programme, celle-ci n’a pratiquement pas été abordée en campagne électorale?
À nos yeux, il demeure beaucoup plus urgent de réinvestir en éducation, d’assurer des services suffisants aux élèves et des classes équilibrées pour les enseignantes et enseignants et de s’attaquer à la pénurie de personnel. Nous avons justement fait campagne sur la base de ces priorités avec le mouvement Pour l’École Publique (PEP), parce qu’il y avait urgence.

Pourquoi le nouveau gouvernement détourne-t-il l’attention de la population à ce moment-ci? Est-ce une stratégie de diversion? Monsieur Legault croit-il que pendant que la population se déchire avec un débat de valeurs aussi émotif, il gagne du temps et n’a pas à travailler sur les vrais problèmes, comme les réinvestissements urgents à faire dans le réseau pour épauler celles et ceux qui y travaillent au quotidien?
Certes, notre organisation plaide pour le principe de la laïcité de l’État, mais assurons-nous d’être bien compris : nous défendrons avec vigueur les droits des enseignantes et enseignants qui, selon les prétentions gouvernementales, pourraient être congédiés alors qu’ils font honorablement leur travail. Et tous nos syndicats vont défendre ces droits, cela va de soi.
Depuis le débat entourant la charte de la laïcité, qui date de 2013, le paysage social, juridique et politique a considérablement changé. Pourtant, à l’époque, face à un projet défini, nous avions démocratiquement consulté les enseignantes et enseignants pour leur demander leur avis. Aujourd’hui, entre les ballons d’essai et les clauses grands-pères possibles, on navigue en spéculant selon l’humeur du jour d’un caucus toujours sans ministre. S’il advenait que le gouvernement caquiste présente un projet de loi concret et structuré, nous envisagerons de consulter à nouveau nos membres. Nous invitons d’ailleurs le nouveau gouvernement à imiter cette façon de faire et à consulter le personnel enseignant avant d’adopter des mesures qui le concerneront directement, que ce soit face à son travail ou au cœur même de ses droits. Valoriser la profession enseignante, ça commence par respecter l’opinion de celles et ceux qui l’exercent.
Les besoins sont criants dans les écoles, tout le monde le sait. Je nous invite donc toutes et tous à consacrer le plus clair de notre énergie à bâtir ensemble un réseau public à la hauteur de nos attentes. Après des années d’austérité, de négligence et de manque de respect, il est plus que temps d’y voir.
Josée Scalabrini
Présidente de la FSE