Travailler avec son monde
25 février 2019
Dès son arrivée au pouvoir, le premier ministre Legault a placé l’éducation au sommet de ses priorités. Et depuis le début de 2019, le gouvernement est très actif à ce sujet. Dans la dernière semaine seulement, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur a annoncé son intention de modifier le régime pédagogique pour prescrire un temps de récréation et déposé le projet de loi n° 5 visant à implanter la maternelle 4 ans pour tous les enfants.
Dans les deux cas, la bonne nouvelle est que le gouvernement se préoccupe des enfants, de leur santé et de leur réussite. C’est heureux, et nous le reconnaissons d’emblée.
Les enseignantes et enseignants saluent la volonté du gouvernement de faire bouger davantage les élèves, mais se demandent pourquoi ça leur reviendrait d’office alors que leur tâche est déjà pleine à craquer. Or, la tâche éducative d’un prof n’est pas élastique : pour plusieurs, ce temps additionnel alloué aux surveillances de récréation devra forcément être retiré ailleurs, par exemple dans celui accordé au soutien des élèves. C’est un fait lié à la nature du travail du personnel enseignant, et non à une quelconque résistance. Les écoles devront relever un défi organisationnel, et nous ne sommes pas les seuls à le répéter. De façon incohérente, il sera possible de couper à volonté dans le temps accordé au français, aux sciences, aux mathématiques, aux arts, pourvu que les élèves aient deux récréations de 20 minutes par jour. Le ministre a jugé plus important de prescrire du temps pour les récréations plutôt que pour les matières à enseigner.
Les enseignantes et enseignants saluent également la volonté du gouvernement de donner des services à tous les enfants de 4 ans. Nous convenons toutes et tous que la priorité est d’offrir des services aux tout-petits qui n’en ont actuellement pas pour leur offrir les meilleures chances de départ dans la vie. Le personnel enseignant de maternelle 4 ans en milieu défavorisé fait à ce titre un travail remarquable qu’il faut reconnaître et souligner.
Cependant, nos profs sont confrontés quotidiennement au manque de ressources, à la pénurie de main-d’œuvre et au manque de locaux. Développer partout des classes de maternelle 4 ans dans ces conditions, est-ce là la priorité des priorités, alors que les besoins sont grands pour améliorer les conditions difficiles auxquelles font face les enseignantes et enseignants au quotidien? Certes, il faut poursuivre et consolider le développement des classes de maternelle en milieu défavorisé, en toute complémentarité avec les services offerts à la petite enfance. Mais je crois que le gouvernement emprunte la mauvaise voie en visant le mur à mur. Le ministre préfère se fier à l’opinion d’un seul et même expert ainsi que des quelques spécialistes issus de sa garde rapprochée, plutôt que d’écouter la voix de celles et ceux qui font l’école tous les jours.