Si on écoutait vraiment les profs – Les aides à la classe
29 novembre 2023
Cher Monsieur le Ministre…, vous qui disiez vouloir faire de l’éducation une priorité, je ne vous comprends pas du tout en ce moment.
Nous avons le droit de ne pas être d’accord. Nous avons le droit d’avoir des visions différentes. Cependant, vous n’avez pas le droit de parler à travers votre chapeau sur la place publique comme vous l’avez fait récemment dans des entrevues, notamment au sujet des aides à la classe. Vous affirmez qu’après avoir visité de nombreuses écoles, vous avez constaté la souffrance et les grands besoins dans les milieux. Nous aussi, et ce, tous les jours. Pourtant, à chacune de vos décisions et à chacune de vos sorties dans les médias, on dirait que vous n’avez pas entendu nos cris du cœur. Les positions de votre parti sont continuellement plus importantes que les besoins des enseignantes et enseignants, qui se sentent abandonnés. C’est comme si vous pensiez gagner des points en ignorant la souffrance des profs. Et pourtant…
Je ne reviendrai pas sur les incohérences et les importants dommages qui découlent du projet de loi no 23, au sujet duquel vous risquez d’être durement jugé quand on en prendra collectivement la pleine mesure. Je ne vise pas non plus vos déclarations malheureuses en lien avec le travail des enseignantes et enseignants du préscolaire, ni le comparatif maladroit entre le travail des députés et celui des profs.
Aujourd’hui, je vais prendre le temps de vous expliquer le projet d’aide à la classe que vous mettez sur la table et sur la place publique comme seule mesure miracle à l’allègement de la tâche, parce que vous ne semblez pas comprendre tous ses paramètres. Rappelez-vous que, contrairement à d’autres organisations, la FSE‑CSQ a accepté de travailler avec le Ministère au cours des deux dernières années. Nous connaissons bien le dossier et nous vous avons même présenté un bilan éloquent des projets pilotes.
Là où l’on se rejoint et où l’on est d’accord, c’est que les projets pilotes mis en place ont été positifs et que la très grande majorité des enseignants qui ont vécu l’expérience est satisfaite de l’aide reçue, surtout lorsqu’elle dépassait 10 heures par semaine par classe.
Pourtant, la proposition que vous avez mise sur la table veut qu’au terme de la prochaine convention, dans 5 ans, l’équivalent de 4 000 personnes aides à la classe soient ajoutées pour répondre aux besoins de 15 000 classes. Or, il y a près de 30 000 classes au préscolaire et au primaire. Que se passe-t-il pour les quelque 15 000 classes restantes? Si je comprends bien, ça laisse la moitié des classes sans ajout d’aide pour leur quotidien. Et pour celles qui recevraient de l’aide, ça représente moins de deux heures par jour de soutien. Soyons clairs : c’est positif, mais malheureusement insuffisant, considérant l’ampleur des besoins actuels. Les aides à la classe, si elles étaient déployées partout, permettraient d’alléger la tâche du personnel enseignant. Cependant, elles ne répondent aucunement à nos demandes d’améliorer la composition de la classe ni n’apportent de l’aide spécialisée aux élèves qui en auraient bien besoin.
Quant à votre proposition d’ajouter des aides à la classe au secondaire, elle ne permettrait de répondre aux attentes des profs que si elle est adaptée à leur réalité. Là aussi, c’est la composition de la classe qui doit être revue. La classe ordinaire n’a plus rien d’ordinaire, vous l’avez sans aucun doute entendu lors de vos visites. Vous savez, l’école à trois vitesses et ses conséquences…
Les enseignantes et enseignants sont à bout de souffle et ils ont besoin d’air. Notre monde a besoin de perspectives et d’espoir que la situation s’améliore vraiment, ce que vous tendez à leur enlever depuis des mois chaque fois que vous prenez la parole publiquement en vantant plutôt vos bilans.
Je vous invite à arrêter de négocier sur la place publique et à enfin donner des mandats clairs aux négociateurs à la table sectorielle. Prenez le temps d’écouter réellement les profs, en trouvant des solutions avec nous au nom des enseignants et des élèves du Québec. Un dénouement positif de cette négociation serait un beau cadeau pour l’ensemble de la société québécoise. Qui plus est, cela démontrerait peut-être que vous pouvez être à l’écoute des profs.
Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ