Refonte d’ECR : un dialogue nécessaire avec les profs

29 octobre 2021

Ayant fait de la révision du cours d’ECR un engagement électoral répété pour répondre aux nombreuses critiques, il ne fallait pas se surprendre quand le gouvernement a annoncé en 2019 qu’il allait tenir des consultations à ce sujet. D’ailleurs, les enseignantes et enseignants concernés semblent au même diapason, puisque nos données indiquent que près de 85 % d’entre eux se disent en faveur de cette révision, question de revisiter les éléments dits problématiques, mais de conserver les contenus pertinents. Il y aurait certainement là de quoi surprendre agréablement quelques chroniqueurs qui nous perçoivent toujours réfractaires au changement!
Toutefois, sa décision de lancer, pour la toute première fois d’ailleurs, une consultation nationale publique plutôt que de consulter les experts du programme et, au premier chef, les enseignantes et enseignants était pour le moins discutable. Huit thèmes ont été mis de l’avant, sans qu’aucun bilan n’ait été fait du programme ECR et sans tenir compte de l’expertise des enseignants!
Devant cet état de fait, la FSE-CSQ a tenu ses propres consultations. Plus de 1 000 enseignantes et enseignants ont répondu à l’appel lancé auprès de celles et ceux qui ont à enseigner le programme d’ECR. S’ils sont en faveur de la révision, ils auraient toutefois souhaité être associés au processus, qu’ils espéraient plus rigoureux. La moindre des choses pour un gouvernement qui a du savoir-faire et du respect pour celles et ceux qui détiennent l’expertise terrain de ce programme aurait été de prendre en compte leur avis. Qui plus est, on s’attendrait à davantage de cohérence entre le discours et la pratique de la part d’un gouvernement qui dit vouloir valoriser le personnel scolaire. Dans les faits, on place encore les enseignantes et enseignants dans un rôle d’exécutants plutôt que de reconnaître réellement leur expertise pédagogique. Mais ça, c’est la différence entre l’image qu’un gouvernement veut projeter et sa manière concrète de mettre ses projets en œuvre. Il prétend consulter les enseignants? Bon nombre d’entre eux n’ont pas répondu au sondage en ligne du ministère de l’Éducation. Peut-être attendaient-ils un moment spécifique, une voie privilégiée en tant qu’experts, de façon à ce que leurs points de vue ne soient pas dilués et mis sur le même pied que l’opinion de la population générale?
Cela étant, nous avons a eu droit dimanche dernier à une annonce bien ficelée! Entre les artistes invités et la vidéo qu’on croirait payée et autorisée par un agent officiel, où défile la moitié du conseil des ministres et M. Legault lui-même, on a pu prendre connaissance des trois axes du programme qui, s’ils ne débordent pas de thèmes à couvrir chaque année, pourraient éventuellement répondre aux attentes. Encore faudra-t-il s’assurer que le programme ne devienne pas un fourre-tout en réponse aux différents maux de la société et que le temps prévu à la grille‑matières soit suffisant pour couvrir tout son contenu. Si le contenu du programme est aussi important qu’on nous l’a affirmé, il serait primordial de prescrire le temps minimum à y consacrer. Le diable se cachant dans les détails, l’écriture d’un programme ne doit faire l’objet d’aucun biais politique. Ce n’est que lorsque nous prendrons connaissance de son contenu, annoncé pour ce printemps, que nous pourrons évaluer si ce gouvernement l’aura instrumentalisé à des fins politiques.
Par ailleurs, le ministre a annoncé que le nouveau programme pourrait être expérimenté sur une base volontaire l’an prochain et que sa mise en œuvre formelle débuterait à la rentrée 2023. Il s’est voulu rassurant quant à la formation du personnel enseignant en indiquant qu’un budget de 3 M$ y serait consacré. Bravo! Les annonces gouvernementales en éducation ne tiennent souvent pas compte de la nécessaire formation des enseignants, et plus souvent qu’à notre tour, nous devons nous démener pour que celle-ci soit offerte.
Il faudra que les conditions nécessaires à l’appropriation de ce nouveau programme soient au rendez-vous, tout comme il faudra que du temps et des ressources y soient consacrés. L’année 2022 sera l’occasion, pour le personnel enseignant, d’émettre des commentaires et des suggestions. Le Ministère acceptera-t-il d’apporter des correctifs si des ajustements sont réclamés?
L’implantation d’un nouveau programme représente une tâche colossale pour le personnel enseignant. Elle le sera davantage pour les titulaires du primaire qui enseignent plusieurs programmes. Alors qu’ils croulent sous la tâche, n’y aurait-il pas là une belle occasion de leur donner de l’air en confiant l’enseignement de ce nouveau programme à des spécialistes, comme c’est le cas au secondaire? Enfin, le programme annoncé se veut une solution politique à de nombreux problèmes de société. De ce fait, on ne peut faire reposer sur les seules épaules des enseignants l’atteinte de ses multiples objectifs. On devra les supporter et les soutenir. Les directions, les parents et la population en général devront aussi mettre la main à la pâte.
Le gouvernement devra s’assurer d’avoir tous les ingrédients pour réussir l’implantation de ce nouveau programme basé sur le dialogue. Cela commence par associer enfin les enseignants et par écouter ce qu’ils ont à dire pour la suite des choses. Quand on affirme vouloir valoriser réellement la profession enseignante, on doit travailler autrement. Parfois, tout est dans la manière.

 Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ

Bâties à partir des opinions exprimées par les enseignantes et enseignants consultés, voici les recommandations que la FSE-CSQ a portées à maintes reprises depuis le début des consultations et qui font partie de son mémoire :

 ·       Réaliser avec le personnel enseignant un bilan de la mise en œuvre du programme ECR;

·       Éviter de faire du programme ECR un programme fourre-tout et limiter le nombre de thèmes;

·       Privilégier le thème Développement de soi et relations interpersonnelles pour le programme du primaire;

·       Privilégier le thème Éthique pour le programme du secondaire.

·       Prévoir que l’enseignement du programme soit confié à un spécialiste au primaire;

·       Établir un temps minimal prescrit pour l’enseignement du programme ECR;

·       Offrir de la formation selon les besoins des enseignantes et enseignants;

·       Allouer du temps pour expérimenter le programme et se l’approprier.