PL 40 : Une tempête qui fait déraper même le gouvernement
10 février 2020
La semaine dernière, c’était la Semaine des enseignantes et des enseignants. Bien entendu, nous avons pris connaissance du beau message du ministre de l’Éducation au début de la semaine quant à l’importance de dire MERCI à celles et ceux qui font la différence dans la vie de plus 1 216 791 élèves au Québec. Au-delà de ce beau discours, nous trouvions important de rappeler qu’il y a autant de raisons d’écouter les profs et d’améliorer leurs conditions de travail.
Pourtant, le premier ministre et son gouvernement, avant même la fin de cette semaine, nous ont montré leur vrai visage. Premièrement, comme on le disait vendredi à propos de nos journées pédagogiques qui ne sont pas des congés, le premier ministre a démontré encore une fois sa profonde méconnaissance de notre réalité et son peu de considération pour la profession enseignante. Deuxièmement, dans un moment charnière où le système démocratique pouvait et devait permettre de corriger les bavures contenues dans le projet de loi no 40, il a choisi d’imposer le bâillon contre son réseau de l’éducation, démontrant du coup que l’opinion des gens qui ont l’expertise du métier et qui souhaitaient contribuer aux changements à venir n’avait aucune importance pour lui. Aucune.
Quel manque de respect du premier ministre! Quelle arrogance du gouvernement! Quel manque de considération du parti au pouvoir! Il est clair que cette façon de faire va laisser des traces et rompt le lien de confiance que le gouvernement cherchait à établir avec son réseau à grand coup de promesses mielleuses. Déjà que le projet de loi no 40 n’avait pas sa raison d’être et qu’il n’aurait jamais dû contenir cette attaque frontale contre la profession enseignante, le gouvernement a sorti le bulldozer pour arriver à ses fins. C’est du travail à courte vue pour faire le pont vers les prochaines élections.
Après, on demandera aux représentantes et représentants syndicaux de faire du syndicalisme différemment, de démontrer de l’ouverture, de faire confiance au gouvernement pour construire l’école de demain. Ce gouvernement travaille exactement comme ce que nous avons connu dans les dernières années : aucune vision globale, avec une précipitation injustifiée, de même qu’avec un échéancier irréaliste et méprisant pour le personnel. Son image de gouvernement fort est plus importante que d’être un gouvernement responsable qui prend le temps de bien faire les choses.
Il est important pour nous de souligner le travail effectué par les parlementaires. Depuis quelques semaines, nous étions en soutien technique à l’ensemble de ces derniers, pour corriger quelques-uns des nombreux irritants du projet de loi, notamment pour des éléments portant sur l’évaluation et la formation continue. Nous avons échangé autant avec l’équipe du ministre que celles des oppositions. De nombreux amendements ont été déposés par le ministre et l’opposition pour corriger des éléments inacceptables qui se trouvaient dans ce document bâclé, qui faisaient complètement fi de notre réalité terrain. Pour nous, les questions de la formation continue et des 30 heures imposées n’auraient jamais dû se retrouver dans une loi, car nous sommes persuadés qu’il s’agit ici d’un objet de négociation. Nous sommes d’ailleurs à vérifier les fondements juridiques permettant de contester la loi à cet effet. Quoi qu’il en soit, notre travail acharné aura quand même permis de retirer des éléments inacceptables de ce projet méprisant.
Pourquoi cette urgence du gouvernement? Quel message est envoyé au personnel de l’éducation en lien avec tous les dossiers importants qui devront être travaillés dans les prochains mois? Maintenant que les masques sont tombés, à quoi s’attendre dans cette négociation qui vient de s’amorcer dans les dernières semaines? Ce que les enseignantes et enseignants retiennent présentement, c’est qu’il ne faut jamais se fier aux belles paroles, car à la première occasion le ton changera et on sortira le bulldozer. Cette manière de faire se répètera malheureusement à la table de la négociation qui commence. On se doute maintenant que la négociation de nos conditions de travail sera une mascarade pour dissimuler une dictature hypocrite de notre boss, comme en témoigne d’ailleurs l’idée même des forums auxquels nous ne participerons pas. Nous l’avons dit dès le départ, car il était déjà évident que le gouvernement voulait contourner le processus de négociation.
Au moment d’écrire ce mot, le gouvernement a tellement bousculé l’adoption du projet de loi no 40 qu’il se dit beaucoup de choses inexactes sur ce qui a été voté dans la nuit de vendredi à samedi. S’il a mal préparé son projet de loi, il a encore moins préparé la transition immédiate qui en découle. Nous sommes à dresser un état factuel des lieux pour les enseignantes et enseignants et à faire une analyse plus détaillée afin de pallier les lacunes de cet exercice improvisé.
Un gouvernement qui brûle toutes les étapes et qui transgresse les règles élémentaires de conduite durant les tempêtes finit toujours par perdre le contrôle et déraper, comme nous l’avons vécu dans ce projet de loi. Les besoins sont trop criants en éducation pour faire fi du personnel et vivre d’autres dérapages qui nous mèneront une fois de plus dans le mur.
Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ