Parlons des priorités des profs

12 avril 2023

Lundi soir, à l’antenne de MOI ET CIE, l’animateur Benoit Dutrizac a partagé avec ses auditeurs une réflexion qu’on a si souvent entendue dans notre entourage : C’tu juste moi qui ne voudrais pas être prof?

Il faut le dire, notre profession subit un vent de face depuis plusieurs années. La réalité est implacable. Alors que le Québec vit une grave pénurie de profs, la relève se fait de plus en plus rare dans les facultés d’éducation. À l’autre bout du spectre, des enseignantes et enseignants expérimentés quittent constamment la profession, tannés de ne pouvoir faire ce qu’ils aiment le plus : enseigner.

L’intégration des élèves en difficulté a été réalisée dans un contexte d’austérité, et les services n’ont jamais suivi à la hauteur des besoins. Le personnel enseignant a rempli sa partie de l’entente, mais la contribution du gouvernement se fait toujours attendre. Et s’il annonce régulièrement poser des gestes de rapprochement, c’est surtout pour soigner son image publique.

Ainsi, dans les derniers jours, la partie patronale nous avait annoncé un dépôt d’offres dites bonifiées le 5 avril. Je vous en ai parlé brièvement la semaine dernière dans une courte vidéo que nous avons publiée sur cette page : il s’agit malheureusement de simples précisions qu’elle aurait pu faire en décembre dernier. L’utilisation des termes « propositions bonifiées » est carrément mensongère.

Ce qui se dégage de l’analyse de ce dépôt, c’est un désagréable sentiment qu’encore une fois le gouvernement refuse de discuter des priorités des profs et s’entête à répéter la même vieille recette de négociation, et ce, malgré notre ouverture à faire les choses autrement.

Au début février, le ministre s’est d’ailleurs vu remettre un important rapport provenant du conciliateur Jean-Guy Ménard qui a encadré les travaux du comité sur la composition de la classe qui découle de la dernière convention collective de la FSE. On se serait donc attendu à ce que la partie patronale chemine sur cette question capitale dans les traces de ce rapport. Plutôt que de proposer des moyens permettant d’éviter de créer des groupes à défis particuliers, elle prétend maintenant que les élèves avec un TSA ne devraient plus être pris en compte dans la pondération a priori des groupes. Question d’aller encore plus à l’encontre de l’approche préventive du conciliateur et de la FSE, la partie patronale souhaite permettre aux directions d’école de modifier les affectations tout au long de l’année scolaire.

Une autre question préoccupante est celle des ratios. Même si le ministre de l’Éducation a publiquement écarté l’idée d’ajouter deux élèves par classe, nos vis‑à-vis souhaitent faire disparaître les motifs de dépassement. Vous l’aurez compris, plutôt que d’avancer avec nous pour le bien-être des élèves, le gouvernement souhaite nous faire reculer.

À la formation professionnelle et à l’éducation des adultes, deux secteurs que nous souhaitons ardemment revaloriser, l’employeur tente de réaliser son fantasme d’abolir l’amplitude de travail en ouvrant toutes grandes les portes du travail de soir et de fin de semaine. Selon nous, cela n’aidera pas à attirer de nouvelles personnes enseignantes, puisque c’est généralement le seul temps dont elles disposent pour poursuivre leur formation.

S’il veut innover, le gouvernement doit prendre acte de l’épuisement des enseignantes et enseignants, leur donner de l’air et leur envoyer des signaux positifs pour redorer le blason de la profession. Il faut encourager les gens d’expérience à rester dans le milieu et les enseignants NLQ à obtenir leur qualification légale.

Si le gouvernement accepte de travailler avec ces objectifs en tête, je lui tends la main. En travaillant de bonne foi, nous trouverons des voies de passage qui nous permettront d’améliorer le quotidien des profs et de leurs élèves. Pour l’instant, c’est malheureusement tout le contraire qu’on nous a présenté, ce qui explique, encore une fois, la grande déception, pour ne pas dire la colère venant du ridicule de la situation!

Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ