Merci, mais non merci Gregory
29 avril 2022
Vous avez été nombreuses et nombreux à réagir au récent cri du cœur de Gregory Charles. Évidemment, comme tant d’enseignantes et d’enseignants, je me suis sentie interpellée et parfois grandement surprise par ses idées qui peuvent paraître dépassées par les réalités actuelles.
Je ne peux pas en vouloir au citoyen Gregory Charles de parler de son expérience personnelle et de souhaiter que la situation en éducation s’améliore. Tout comme les Ricardo, Pierre Lavoie, Pierre Thibault, Denise Bombardier, Richard Martineau et bien d’autres personnalités l’ont fait dans les dernières années. Ce qui est malheureux toutefois, c’est lorsque le vedettariat fait de l’ombre aux débats de fond, avouons-le nécessaires et urgents, pour lesquels les 120 000 enseignants du Québec ont tant de choses à dire parce qu’ils sont concernés au premier chef et vivent l’école au quotidien. Les profs ont des propositions réalistes et réalisables pour faire face aux différents défis de l’école québécoise. Si ces personnalités y allaient de questionnements et qu’ils mettaient à l’avant-plan le nécessaire débat de société, plutôt que d’arriver avec des solutions (pour ne pas dire des recettes) qui semblent arrêtées, les enseignants seraient moins surpris, pour ne pas dire choqués, par de telles sorties médiatiques.
S’il faut reconnaître du positif dans le discours de Gregory Charles, c’est qu’il a pu relancer la discussion sur le système d’éducation québécois. Il évoque la nécessité d’une réforme, un mot qui fait parfois peur en éducation. La FSE-CSQ réclame depuis un certain temps déjà une vaste réflexion afin de nous redonner une vision globale de l’éducation pour que les décisions cessent d’être prises à la pièce et répondent réellement aux besoins du personnel et des élèves. L’école publique québécoise a clairement besoin d’amour. Plusieurs d’entre vous enseignent dans des écoles qui font pitié à voir, tant elles sont vétustes et représentent des risques pour la santé de celles et ceux qui y mettent les pieds quotidiennement. L’état des bâtiments incarne, en quelque sorte, les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés tous les jours. Défis qui ne cessent de s’accroître.
Certaines idées évoquées par Grégory Charles ont reçu plus d’attention qu’elles n’en méritent. Notamment concernant la remise en question de la gratuité scolaire et de la mixité. Le débat sur la mixité entre les filles et les garçons est dépassé. Les enjeux de mixité et de gratuité scolaire se posent plutôt au regard des années de développement anarchique des projets pédagogiques particuliers. Leur tarification contribue certainement à une forme de ségrégation. Surtout, la sélection des élèves en fonction des résultats scolaires a pour effet d’écrémer la classe dite régulière, alourdissant ainsi la tâche des enseignantes et enseignants. C’est sous cet angle que devrait se poser la question.
Par ailleurs, si on veut vraiment améliorer le système d’éducation au Québec, il est essentiel de parler de la composition de la classe, de l’autonomie professionnelle, de la refonte du curriculum, des services aux élèves ainsi que de la lourdeur et de la complexité de la tâche des profs, pour ne donner que ces quelques exemples.
Ne nous laissons pas séduire aveuglément par des idées lancées en l’air par des personnalités publiques appréciées de la population. En premier lieu, écoutons ce que le personnel enseignant et le personnel scolaire ont à dire, puisque ce sont eux qui portent l’école à bout de bras!
Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ