Les 70 ans du syndicalisme enseignant au Québec
2 novembre 2006
« Continuer à se battre pour changer ce qui reste inacceptable »
Beaupré, le 2 novembre 2006. — » Le 2 novembre 1936, une trentaine d’institutrices sont réunies au couvent de La Malbaie. Quinze jours plus tôt, à l’occasion de la journée pédagogique de Charlevoix-Est, mademoiselle Laure Gaudreault avait suggéré à ses compagnes la fondation d’une association. C’est ce qu’elles vont faire, en présence de M. le chanoine Philippe Tremblay, curé de La Malbaie, et de mère Sainte-Claudia, supérieure du couvent. «
Soixante-dix ans plus tard, minute pour minute, les héritières et héritiers spirituels de Laure Gaudreault sont réunis en Conseil fédéral de la Fédération des syndicats de l’enseignement, à Beaupré, à une centaine de kilomètres du lieu de cette réunion historique, à La Malbaie, au cœur de Charlevoix.
La présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, Johanne Fortier, a rendu hommage à cette pionnière, journaliste, institutrice, mais aussi militante syndicale et féministe avant l’heure. Elle a invité les membres du Conseil fédéral et l’ensemble des enseignantes et enseignants du Québec à prendre la mesure du chemin accompli depuis, mais aussi à considérer le travail qu’il reste pour continuer de faire reconnaître la profession enseignante à sa juste valeur, et surtout pour faire reconnaître l’apport crucial des enseignantes et enseignants au développement de la modernité de la société québécoise.
Se battre pour une école de qualité !
Pour souligner ces 70 ans, la Fédération des syndicats de l’enseignement, en collaboration avec la Centrale des syndicats du Québec, a demandé aux enseignantes et enseignants de lui indiquer le message qu’on souhaiterait voir les organismes syndicaux acheminer en leur nom aux directions scolaires, au gouvernement et à la population en général. La carte postale lancée à l’occasion de la Journée mondiale des enseignantes et enseignants, le 5 octobre, s’intitulait » Parce que j’aime enseigner, je me bats pour une école de qualité « .
Parmi le millier de messages reçus, un peu plus de la moitié (51,5 %) réclame de meilleurs moyens d’accomplir la tâche enseignante, que ce soit en dénonçant le manque de ressources humaines et matérielles, en stigmatisant la difficulté de mener à bien la réforme avec l’intégration massive d’élèves en difficulté, ou en réclamant la diminution de la taille des groupes. Certaines missives sont carrément des appels à l’aide, devant une tâche qui n’arrête pas de s’alourdir.
Plus du tiers (36,4 %) des cartes reçues ont des messages qui peuvent être regroupés sous l’appellation » Revendication politique et sociale « . Dans ce second groupe, on retrouve des enseignantes et enseignants qui ont soif d’une plus grande reconnaissance sociale pour leur profession, qui souhaitent ardemment qu’on réinvestisse dans l’éducation, qui en ont durement contre la loi 142 et qui refusent l’étalement des versements au titre de l’équité salariale.
Finalement, plus d’une enseignante ou d’un enseignant sur dix souhaite que ses instances syndicales fassent en premier lieu valoir sa fierté d’être enseignante ou enseignant, valorisent la passion qui l’anime et sa satisfaction à travailler avec les enfants qui feront la société de demain.
Pour Johanne Fortier, la présidente de la FSE, le syndicalisme enseignant, par la voix directe de ses membres, démontre une fois de plus qu’il n’est pas mesquin, en plaçant en tête de ses priorités l’amélioration de la qualité de l’école. Mais, il faudra aussi écouter ses revendications sur le plan des conditions de travail et de la reconnaissance sociale et être attentif aux cris d’alarme et aux appels à l’aide qu’il lance trop souvent en vain. C’est la qualité de l’éducation de nos enfants qui en dépend.
Pour information : Jean Laporte, attaché de presse de la FSE
418 563-7193 (cellulaire)
418 649-8888 poste 3151 (bureau)
Notes historiques
» Enseignante et journaliste, Laure Gaudreault fonda, en 1936 dans Charlevoix, le premier syndicat d’institutrices rurales au Québec. Là-dessus elle bâtit une fédération provinciale qu’elle mena, en moins de 10 ans, à signer mille conventions collectives avec des commissions scolaires la plupart rébarbatives. Elle fut en 1946, co-fondatrice et longtemps vice-présidente de la Corporation des instituteurs et institutrices catholiques de la province de Québec, devenue la Centrale de l’enseignement du Québec » en 1967, puis la Centrale des syndicats du Québec, en 2000.
À l’intérieur de la Centrale, la Commission des enseignantes et enseignants de commissions scolaires (CECS-CEQ) voit le jour en 1978, essentiellement pour coordonner la négociation. Trois présidents se succèdent à sa tête, André Mathieu, Robert Bisaillon et Hervé Bergeron. En 1988, la CECS se transforme en véritable fédération, sous le vocable Fédération des enseignantes et enseignants de commissions scolaires, avec Luc Savard à sa tête jusqu’en 1999. L’année précédente, les quarante-quatre syndicats membres retenaient une nouvelle appellation pour leur association, soit la Fédération des syndicats de l’enseignement, présidée, depuis 1999, par Johanne Fortier. En 2006, la désaffection de certains syndicats, surtout dans la région de Montréal, vient rompre, avec la création de la Fédération autonome de l’enseignement, l’unité syndicale préservée depuis 1936.
» En 1936… il y avait 9,000 institutrices urbaines et rurales dans la province de Québec. 7,152 d’entre elles recevaient un traitement [annuel] inférieur à 300 $. On en trouvait 1,900 qui gagnaient moins de 200 $. «
Les textes entre guillemets sont tirés de Les souvenirs de Laure Gaudreault : une chronique du journal L’Enseignement 1966-1967. Montréal, CEQ, 1996. Sous la coordination de Louise Pettigrew