La réforme de l’éducation

6 décembre 2006

Des propositions pour réformer la réforme

Québec, le 6 décembre 2006. — Au moment où la réforme de l’éducation apparaît de plus en plus remise en question et fragilisée, la Centrale des syndicats du Québec et la Fédération des syndicats de l’enseignement (CSQ) ont rencontré lundi le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Jean-Marc Fournier. Le président de la CSQ, Réjean Parent, et la présidente de la FSE, Johanne Fortier, ont soumis au ministre des propositions de nature à redresser la barre, à éliminer de la réforme ce qui doit l’être, à corriger le tir, à initier une réflexion au-delà des ajustements annoncés par le ministre, ou suggérés par la Table de pilotage.

Pour les deux leaders syndicaux, le retour intégral à la case départ est utopique. Mais trop d’indices signalent des difficultés majeures, et une détresse réelle dans le milieu, qu’il serait téméraire et irresponsable de continuer coûte que coûte d’implanter tête baissée cette réforme dans sa mouture actuelle. À l’inverse, les efforts consentis par les acteurs du milieu, et au premier chef les enseignantes et les enseignants, ont été trop importants pour faire table rase, d’autant que tout n’est pas à jeter.

L’essentiel

En effet, les objectifs de la réforme proposés par les États généraux, qui faisaient consensus, et certaines mesures qui leur ont donné vie par la suite nous apparaissent encore pertinents et souhaitables : qu’il s’agisse notamment du recentrage sur les matières essentielles, de l’ajout de temps d’enseignement en français, en mathématique, de l’amélioration des services à la petite enfance, de la laïcisation du système scolaire, de la réduction du nombre d’élèves par groupe (encore insatisfaisante) ou du rehaussement du niveau culturel des programmes. Cependant, un des grands consensus des États généraux, celui de remettre l’éducation sur les rails de l’égalité des chances, mérite de revenir au centre des véritables priorités.

Des dérives

À l’inverse, nous constatons des dérives par rapport aux conclusions des États généraux, des éléments qui se sont ajoutés sans la validation des milieux. Nous ciblons en particulier la primauté donnée aux compétences, les difficultés inextricables qu’elles posent pour l’évaluation des apprentissages des élèves, l’alourdissement qu’elles imposent à la tâche enseignante. Il y a aussi un jargon « pédagogiste » qui a enveloppé et anémié la réforme, au point que certains de ses concepteurs ont du mal à s’y retrouver.

Un contexte qui colore

La réforme ne s’implante pas non plus dans l’abstrait. L’intégration « sauvage » de cas de plus en plus lourds dans les classes régulières, sans les services nécessaires, jumelée à un écrémage des élèves qui ont plus de facilité, attirés par le privé et les projets sélectifs, a un effet dramatique sur la composition de la classe type. L’abolition des classes spéciales concourt à cette situation. Nos membres témoignent de cette grande difficulté et de la détresse qu’elle induit chez eux.

L’adaptation de l’enseignement à la réalité des élèves a clairement ses limites, justement déterminées par la réalité de la classe. On ne peut raisonnablement continuer de prétendre que la différenciation pédagogique et une meilleure formation des enseignantes et des enseignants pourront résoudre comme par magie les problèmes engendrés par certaines lacunes du Programme de formation, ou par l’intégration à tout prix et sans soutien adéquat.

Nos propositions, pour aujourd’hui…

Des correctifs majeurs et rapides sont requis pour remettre la réforme sur ses rails, pour permettre de refaire consensus autour d’elle. Il y va de l’intérêt des élèves, des enseignantes et des enseignants, de toute la société. Dans ce contexte, la CSQ et la FSE proposent, à court terme :

1.      l’abandon de l’évaluation des compétences transversales, même si l’école doit continuer de voir au développement global de l’enfant ;

2.      un moratoire sur l’abolition des classes spéciales et des cheminements particuliers et de tout autre mode d’organisation favorisant l’aide aux apprentissages ;

3.      la possibilité à la fin de chacune des années d’un cycle, de faire le point sur le cheminement de l’élève pour déterminer le meilleur parcours possible l’année suivante : la progression dans la classe supérieure, la progression avec soutien, le soutien en reprenant la même classe, ou l’orientation vers une classe spéciale ;

4.      le recentrage de l’enseignement sur les programmes disciplinaires, le choix des méthodes pédagogiques relevant de l’autonomie professionnelle des enseignantes et des enseignants ; la primauté de l’acquisition des connaissances ou des savoirs, qui devrait être explicitement évaluée ; le transfert de ces connaissances dans différentes situations ;

5.      pour la prochaine année scolaire, en 3e secondaire, application du contenu des programmes disciplinaires, mais report de la diversification des parcours, de même que report du cours « Science et technologie » ;

6.      la confirmation, par le ministre, que la différenciation pédagogique ne saurait remplacer, auprès des élèves en difficulté intégrés dans les classes régulières, les réelles mesures de soutien qu’ils requièrent.

… et pour demain

Dans la mesure où ces propositions débouchent sur des gestes concrets, rapides et nécessaires de la part du ministre, nous suggérons de plus la formation d’une commission indépendante, présidée par une personnalité crédible, qui devrait, au cours des prochains mois, s’acquitter d’un mandat en trois points, en s’assurant que les intervenants du milieu soient les premiers consultés.

Cette commission devrait prendre acte, réfléchir et proposer des solutions. Elle devrait le faire en priorité sur la question de l’intégration des élèves en difficulté dans les classes régulières avec les contraintes qu’elle produit en lien avec l’application de la réforme, quelle qu’elle soit.  Dans son deuxième mandat, la commission devrait s’attacher au caractère prescriptif de l’approche par compétences, avec les méthodes d’enseignement qu’elle favorise et les difficultés liées à l’évaluation de telles compétences. Finalement, la commission pourrait réfléchir aux moyens de concrétiser le consensus des États généraux sur la nécessité d’atteindre l’égalité des chances en éducation.

Pour la CSQ et la FSE, sur la réforme de l’éducation, il doit y avoir une position médiane, réaliste et porteuse, entre « Stop… ou encore ! ». Nos propositions tentent de la cerner. Il y va de l’intérêt général de la préciser le plus vite possible et de commencer à l’appliquer.

Profil de la CSQ

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) représente 172 000 membres, dont plus de 120 000 dans le secteur public, la grande majorité travaillant dans le domaine de l’éducation. Elle est présente dans les secteurs de la santé et des services sociaux, des services de garde, des loisirs, de la culture, du communautaire et des communications.

Profil de la FSE

La Fédération des syndicats de l’enseignement est affiliée à la Centrale des syndicats du Québec. Elle est formée de la plupart des syndicats d’enseignantes et d’enseignants de commissions scolaires du Québec. Elle négocie en cartel avec l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec, son pendant vis-à-vis des commissions scolaires anglophones. Elle compte près de 70 000 membres.

 

Pour information :       Claude Girard, attaché de presse CSQ

                                   Tél. cell. : 514 237-4432

                                   Jean Laporte, attaché de presse FSE

                                   Tél. cell. : 418 563-7193