Implantation du programme CCQ – Le ministre s’était pourtant donné le pouvoir d’agir pour que ça se passe bien

16 mai 2024

Forte des résultats d’une consultation auprès de 2 675 profs directement concernés, la FSE-CSQ a réclamé publiquement que l’implantation du programme Culture et citoyenneté québécoise (CCQ) reste facultative pour une année supplémentaire. Pour vous en résumer les raisons, je dirais simplement : parce que le ministère de l’Éducation n’a pas fait ses devoirs cette année, et parce que plusieurs centres de services scolaires n’ont pas été au rendez-vous.    

Ce programme, il est généralement souhaité par les profs. En effet, on se rappellera qu’ils ont notamment réclamé le retour de l’éducation à la sexualité dans la grille-matières.  Mais les conditions de réussite ne sont toujours pas réunies. Pourquoi?  

À ceux qui ont envie de dire que les profs ne sont pas prêts en raison de notre grève de huit jours et du plan de rattrapage qui en a découlé, je répondrai que c’est plutôt parce que les formations n’ont pas été offertes aux enseignantes et enseignants, du moins pas partout, car les centres de services scolaires (CSS) ne les ont pas tous libérés pour les suivre malgré les sommes consenties à cet effet.  Les formations du Ministère, disponibles plus tardivement en ligne, sont trop théoriques et ne répondent pas aux besoins.  Le matériel n’est pas approuvé encore par le Ministère, et il ne le sera qu’en août. De plus, l’évaluation des apprentissages des contenus très techniques et délicats pose un réel problème.  Ce sont là des raisons valables.  Les profs ont réclamé de la formation qu’on ne leur a pas offerte, et ce, dans ce qui semble être la plus grande indifférence du Ministère. Plus ça change, plus c’est pareil. 

Et c’est là où je veux en venir.  Le Ministère avait un an pour dresser un bilan sérieux et faire un suivi de l’état des lieux. Qu’en a-t-il fait? Absolument rien. Et c’est inacceptable ! On se retrouve à peu de choses près à la même place que l’an passé. Le cabinet nous dit avoir des « échos » positifs de la préparation. Mais qui donc les renseigne?  Ceux-là même qui sont maintenant assis sur des sièges éjectables à la direction des centres de services scolaires et qui n’osent pas déplaire au ministre? Pourtant, si un enseignant devait avoir des maladresses au regard d’un contenu délicat concernant la sexualité ou l’identité, par exemple, il sera imputable, lui, et il sera dénoncé. Rappelons que ces contenus plus délicats seront enseignés par les titulaires du primaire et par les enseignants de CCQ pour le secondaire. Cela fait pas mal de monde concerné.  

Bien sûr, certains enseignants sont prêts et volontaires pour offrir le programme, et c’est tant mieux. Certains chanceux ont été formés. D’ailleurs, une part non négligeable d’entre eux s’est formée sur son propre temps, avec des moyens glanés ici et là.  Cependant, plusieurs autres ne sont pas prêts, et ceux-là ne devraient pas se voir forcés de l’enseigner alors qu’ils veulent tout simplement effectuer leur travail avec professionnalisme, et ce, en tout respect des élèves.    

Le Ministère semble l’ignorer, mais enseigner, ça se prépare. Encore une fois, il n’apprend pas de ses erreurs et demande aux profs de construire leurs cours en plein vol.  Le ministre a annoncé qu’il ne bougera pas, c’est pour lui une question d’opinion publique et de sondages. Il a le pouvoir de changer les choses et de travailler avec les profs, mais il préfère travailler pour l’image de son gouvernement. Il ne s’est même pas montré sensible ni offert pour faire pression pour accélérer le processus de préparation du côté des CSS. Il a plutôt rappelé l’importance de ce programme « qui porte sur des enjeux contemporains comme le respect, le consentement, les réseaux sociaux, l’éducation sexuelle, la citoyenneté, la laïcité et la gestion des émotions ». Il a même poussé l’insulte en disant accepter que des enseignants ne se sentent pas 100 % outillés. Il en a remis une couche la semaine dernière en ajoutant aux mandats du programme la sensibilisation à l’importance de la langue française.  Avec de tels mandats, au diable les besoins de formation et de matériel, peut-on ironiser. Et après ça, on viendra nous demander notre collaboration! 

C’est le ministre qui parle d’enseigner le respect : ça aussi c’est ironique. Au fond, c’est exactement ça, une question de respect pour les enseignants, pour ceux qui portent le réseau à bout de bras, ceux qui se sentent épuisés, frustrés par le manque de reconnaissance et qui pensent abandonner.  

Et là-dessus, le ministre n’est pas au rendez-vous et doit refaire ses devoirs, car il a raté la leçon.      

Josée Scalabrini

Présidente