Frais chargés aux parents: la FSE fait parvenir une lettre à Sébastien Proulx

19 juin 2018

Objet : Balises pour les frais chargés aux parents

Monsieur le Ministre,
Nous vous avions interpellé en décembre dernier afin de participer aux échanges au regard de la question des frais chargés aux parents, considérant que les enseignantes et enseignants que nous représentons sont parmi les premiers concernés par plusieurs éléments qui se trouvent sur la facture présentée aux parents. Malheureusement, notre appel est resté lettre morte.
Comme vous êtes à travailler sur des balises à cet effet, nous tenons à vous faire part de ce qui se vit dans les différents milieux en cette année de confusion et d’absence de consignes claires. Nous constatons que le personnel enseignant est victime de dérives importantes qui portent atteinte à l’autonomie professionnelle et qui, de surcroît, viennent alourdir encore plus sa tâche.
Ainsi, au cours de la dernière année, un processus lourd et fastidieux de reddition de comptes s’est amplifié dans les écoles avec une exigence de justification, parfois indue, de tout le matériel devant être acheté par les parents et de l’utilité de chacune des sorties éducatives. Le message qui a été lancé par un bon nombre de commissions scolaires, ayant comme trame de fond un recours collectif, est un appel démesuré à la retenue quant aux frais exigés des parents, sans pourtant offrir de solution de rechange. Conséquemment, c’est donc moins de sorties au musée et au théâtre, moins de classes neige, de classes vertes de fin d’année, de projets pédagogiques élaborés avec des fournitures spécifiques, de textes diversifiés photocopiés pour des activités, pas d’agendas pour certains, pas le choix du cahier d’exercices pour d’autres.
Qui en subira les contrecoups? Les élèves, bien sûr, mais aussi les enseignantes et enseignants dans leur pratique professionnelle.
À cet égard, nous vous signalons que les enseignantes et enseignants subissent actuellement des pressions pour choisir du matériel pédagogique uniforme et le moins coûteux possible pour les parents, sans tenir compte de l’approche pédagogique privilégiée ou de la qualité du matériel, alors que la Loi sur l’instruction publique leur confère pourtant le droit de choisir celui-ci. C’est là une intrusion importante dans l’autonomie professionnelle, tant individuelle que collective, du personnel enseignant que nous ne saurions tolérer, puisqu’en raison de son expertise pédagogique, il lui revient légalement le droit de le proposer.
Bien que ce soit une responsabilité partagée, le ministère de l’Éducation a fait reconnaître dans la convention collective de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) l’importance d’organiser et de tenir des activités étudiantes, de façon à favoriser le développement personnel et social de l’élève. Nul besoin de rappeler les circonstances d’un tel ajout, d’ailleurs. Il deviendrait complètement incohérent que le personnel enseignant qui investit temps et énergie dans de telles activités, notamment en vertu de l’autonomie dans la conduite de ses cours, se voie contraint de les abandonner faute de financement adéquat.
Comprenons-nous bien : nous sommes incontestablement en faveur du principe de la gratuité scolaire, mais cette gratuité suppose que le réseau soit financé à la hauteur de ses besoins et de ses aspirations. Cela devient une question d’égalité des chances pour tous les élèves d’un réseau public qui subit ouvertement la concurrence du réseau privé. Il serait profondément injuste pour l’école publique que vous fixiez des balises de gratuité sans en augmenter conséquemment le financement. Il faut éviter à tout prix que les nouvelles balises fassent en sorte de priver des élèves des écoles publiques de matériel ou d’activités éducatives auxquels ils auraient pu avoir droit.
Nous vous recommandons donc d’inclure les principes suivants dans l’élaboration des balises entourant les frais exigés des parents, que vous annoncez vouloir publier dans les prochaines semaines :

  • que les enseignantes et enseignants ont le droit et l’expertise de choisir le matériel qu’ils jugent nécessaire et pertinent pour dispenser leur enseignement;
  • que le respect de l’autonomie professionnelle individuelle et collective du personnel enseignant est incontournable, et qu’il n’a pas à se soumettre à une exigence indue de reddition de comptes;
  • que les sorties éducatives ont un caractère complémentaire en lien avec les programmes scolaires;
  • que le financement du réseau scolaire public doit être augmenté significativement pour lui permettre d’assurer l’ensemble de ses missions dans un contexte d’égalité des chances.

Nous demeurons disponibles pour discuter de la présente. Dans l’attente de balises qui tiennent compte de l’opinion des enseignantes et enseignants et de leur expertise pédagogique dans ce débat sur l’égalité des chances en éducation, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Ministre, nos salutations distinguées.

La présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ),
Josée Scalabrini

Le président de l’Association provinciale des enseignantes et des enseignants du Québec (APEQ),
Sébastien Joly