Faut qu’on se parle de la grève
4 décembre 2020
Comme plusieurs d’entre vous, nous pensons qu’on est rendus là, à se parler de grève et à commencer à chercher des mandats en ce sens dans nos assemblées. Qu’on se le dise, ce n’est pas de gaieté de cœur, mais bien parce qu’on nous y aura malheureusement conduits en conjuguant l’agenda intransigeant de notre gouvernement aux désolants rendez-vous manqués de nos employeurs pour reconnaître le travail des enseignantes et enseignants. Pourtant, les profs y étaient, eux, au rendez-vous.
Depuis le début des négociations dans ce contexte hors norme de pandémie mondiale, nous avons tout mis en œuvre pour faire avancer les discussions. Nous avons même proposé de reporter les négociations, sans succès. Le gouvernement voulait négocier, apparemment rapidement, pour s’assurer d’une paix industrielle et sociale. Malheureusement, il a « omis » de le dire à ses portes-paroles aux tables de négociation, qui n’ont pas déposé des offres permettant de faire avancer les discussions au sujet des enjeux fondamentaux pour les enseignantes et enseignants : la lourdeur de la tâche, la composition déséquilibrée de la classe et l’insuffisance des services aux élèves en difficulté, la précarité trop importante et les salaires les moins élevés des enseignantes et enseignants canadiens.
Les représentants du gouvernement n’ont montré aucune ouverture aux principales attentes légitimes des enseignantes et enseignants, dont les besoins sont pourtant de plus en plus manifestes. La fermeture du gouvernement est complète et exaspérante, sauf dans les discours en point de presse. À l’évidence, les mandats politiques ne sont pas au rendez-vous et les pourparlers arrivent à un cul-de-sac.
Mais parlons aussi de nos directions, celles des centres de services scolaires et des établissements, qui se font complices du gouvernement et qui, tout comme lui, manquent de considération envers les enseignantes et enseignants. Les profs qui exercent des moyens de pression légitimes se voient maintenant menacés de sanctions et de coupures de traitement, comme on a pu le voir dans plusieurs centres de services scolaires lors de l’opération Ne touche pas à mes pédagos! C’est odieux. Des directions ont exprimé leur soif de contrôle des enseignantes et enseignants, alors qu’on aurait pensé que la pandémie leur aurait fait apprivoiser la confiance envers leur équipe. Ces directions ont manqué là toute une occasion de reconnaître le travail extraordinaire effectué par leur équipe enseignante.
Comme l’explique la vice-présidente, Brigitte Bilodeau, dans une vidéo, la FSE‑CSQ a choisi d’exercer des moyens de pression misant sur la visibilité et visant l’administratif. Nous avons soigneusement évité de mettre en œuvre des actions qui auraient un impact sur les services aux élèves en cette année de défis pédagogiques et de rattrapage. On va se le dire, la jurisprudence a limité, au fil des ans, le choix de nos moyens d’action. Entre le port du t-shirt et la grève, il reste de moins en moins de moyens légaux à notre disposition, et des directions, guidées par les dirigeants de centres de services scolaires et leur fédération, tapent sur la tête des enseignantes et enseignants dès qu’elles le peuvent.
Depuis longtemps le personnel enseignant se donne sans compter, et son épuisement est palpable et inquiétant. La reconnaissance, elle, est trop souvent inexistante. Alors comme vous le demandiez et comme vous vous y attendiez, nous en sommes là, à augmenter la pression et, si le cadre financier du gouvernement n’évolue pas significativement, à envisager l’exercice de la grève légale. Dans les prochaines semaines, vous serez conviés à en discuter ensemble en assemblées générales. Nous devons hausser le ton pour briser l’impasse. Nous devons nous faire entendre encore plus haut et plus fort, car en éducation, faut que ça change maintenant!
Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ