De surprise en surprise!

3 juin 2020

On l’a dit et redit, la pandémie mondiale de COVID‑19 nous plonge dans une situation jamais vue. Une situation exceptionnelle. À l’instar de notre société, le système d’éducation public québécois vit de grands bouleversements. Il doit s’adapter rapidement à une situation en constante évolution, tout en essayant de rattraper à grandes enjambées les retards causés par des années d’austérité.
Une situation jamais vue, donc, mais qui nous fait tout de même revivre des situations qui nous sont malheureusement familières. Parmi celles-ci, l’imposition aux profs et aux travailleurs du réseau, souvent à la dernière minute, de directives qui semblent improvisées, parfois même incohérentes. Pourtant, depuis le début de la crise, la FSE a toujours offert sa pleine collaboration et manifesté son désir de contribuer à élaborer, avec les dirigeants, des solutions qui tiennent compte de la réalité sur le terrain. Malheureusement, on remarque aussi le retour de la tendance à en mettre toujours plus sur le dos des enseignantes et enseignants, dans un contexte qui leur est rarement favorable.
Après plusieurs semaines ponctuées d’incertitude et de quelques décisions girouettes, on a encore une fois eu droit à quelques rebondissements au cours des derniers jours. On apprenait, vendredi en fin d’après-midi, qu’un grand nombre d’élèves plus vulnérables du primaire (notamment dans la communauté métropolitaine de Montréal), du secondaire et de la formation générale des adultes seraient finalement de retour en classe, dès cette semaine! Wow! Certains profs, à qui l’on avait déjà annoncé la fin de l’année scolaire en présentiel, avaient déjà vidé leur classe ou déménagé dans un autre local, tout en continuant à enseigner à distance. Surprise! Ils ont dû faire marche arrière en un temps record pour accueillir de nouveau ces quelques élèves.
Lundi, une autre surprise attendait les profs, les parents et les élèves. En fin de journée, on a appris que des camps pédagogiques seront offerts pour les élèves en difficulté! On ne sait toujours pas grand-chose sur ces camps, leur annonce étant sortie d’un chapeau, alors que les milieux doivent accueillir ces élèves dans quatre jours! Les informations pertinentes seront sans doute envoyées au compte‑goutte dans les prochains jours, comme les autres surprises des dernières semaines. Les enseignantes et enseignants se sentent ballottés, pris entre des décisions qui disent une chose un jour, et son contraire le lendemain.
Enfin, impossible de passer sous le silence l’intention du gouvernement de former 10 000 nouvelles personnes préposées aux bénéficiaires sur une période de trois mois, à compter de la mi‑juin. Certes, les besoins sont grands, nous le reconnaissons. Par contre, il faut comprendre qu’une grande partie des profs qui auront à former ce nouveau personnel est présentement sur la ligne de feu, pour lutter contre la COVID‑19 dans le réseau de la santé. Il y a fort à parier que cet été, ils auront besoin de vacances! Heureusement, notre travail acharné des derniers jours a permis de faire comprendre au gouvernement qu’il faudra reconnaître le travail des enseignantes et enseignants qui contribueront à cet effort, en bonifiant leurs conditions de travail. Nous ferons aussi tout en notre possible pour nous assurer que les personnes formées au cours de ce processus accéléré aient à acquérir l’ensemble des compétences du programme d’APED pour obtenir leur diplôme, quitte à compléter leur formation après avoir prêté main-forte dans les CHSLD.
Une entente à rabais, non merci!
Parallèlement à cette improvisation difficile à suivre se déroule aussi la négociation nationale pour le renouvellement de la convention collective des enseignantes et enseignants. À notre grande surprise, le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, a même choisi d’en faire une négociation sur la place publique la semaine dernière, alors même qu’il s’était pourtant engagé à ne pas emprunter cette voie.
À l’image de sa gestion girouette en éducation, le gouvernement est revenu sur son engagement d’abolir les 6 premiers échelons de notre échelle salariale, sans compter qu’il propose un alourdissement de la tâche du personnel enseignant, allant ainsi à l’encontre d’une autre promesse. Au-delà de ces promesses bafouées, ce qui saute aux yeux présentement, c’est l’importante différence qui existe entre le discours public du gouvernement et ce qui se déroule réellement aux tables de négociation. Alors que le gouvernement dit publiquement être ouvert et tendre la main au personnel enseignant, il est évident qu’il a donné le mandat à ses négociateurs d’obtenir une entente à rabais avec les profs. Et ça n’arrivera pas. Clairement, le gouvernement souhaite profiter du contexte de crise pour repousser une fois de plus ce qui aurait dû être fait il y a longtemps : améliorer concrètement les conditions de travail des profs et bonifier leur salaire.
En cette période de pandémie, les enseignantes et enseignants ont la tête à aider du mieux qu’ils peuvent leurs élèves, dans un contexte extrêmement difficile. Ils n’ont pas la tête à la négociation. Nous avons accepté, à la demande du gouvernement, de participer tout de même à ce qui devait être un « blitz » de négociation. On s’attendrait, en retour, à un peu plus de respect et de considération de ce gouvernement qui devait faire de l’éducation une grande priorité. Mais ce ne sera pas la première fois qu’il change d’idée, n’est-ce pas?
Josée Scalabrini, présidente