Bilan de la première année d’implantation de la réforme en éducation

19 juin 2001

Un enseignant sur deux doute des effets de la réforme sur la réussite scolaire

Québec, le 19 juin 2001 – Un sondage CROP réalisé à la fin d’avril à la demande de la Fédération des syndicats de l’enseignement confirme les difficultés d’implantation de la réforme des programmes au préscolaire et au premier cycle du primaire. Pour la moitié (48%) des 502 répondants, la réforme en cours ne sera certainement pas ou probablement pas en mesure de permettre à un plus grand nombre d’élèves de réussir. Les enseignantes et enseignants du préscolaire et du premier cycle du primaire (1ère et 2e années) sont aussi très sceptiques sur les effets de la politique pour les élèves en difficulté : 66% des sondés croient qu’elle est «peu ou pas du tout de nature à améliorer la réussite des élèves.»

Les résultats de ce sondage ont été soumis à la fin de mai aux autorités du MEQ et aux autres acteurs de l’éducation, en même temps ceux de deux enquêtes internes réalisées par la Fédération des syndicats de l’enseignement, pour les francophones et par l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec, pour les anglophones. Ces deux enquêtes, auprès cette fois du personnel enseignant du 2e cycle (3e et 4e années) voulaient vérifier surtout la quantité et la qualité de la formation dont il a bénéficié jusqu’ici pour commencer à la fin d’août à implanter la réforme.

La FSE et l’APEQ poursuivent ainsi leurs interventions pour s’assurer que les élèves et les professeurs qui ont ou auront à implanter la réforme scolaire puissent le faire dans des conditions acceptables, avec les meilleures chances possible de succès.

LE SONDAGE CROP

Réalisé par la maison CROP, à la demande de la FSE parmi ses membres, ce sondage voulait vérifier auprès des enseignantes et enseignants qui arrivaient à la fin d’une première année d’implantation de la réforme quelle formation ils avaient reçue, comment ils l’évaluaient, quel était leur degré de connaissance des principes de la réforme, l’impact qu’ils croyaient qu’elle aurait sur leur enseignement, sur la réussite des élèves. Ce sondage ne s’adressait qu’au personnel enseignant francophone du préscolaire et de première et deuxième années du primaire.

Parmi les faits saillants, outre le scepticisme constaté plus haut, il faut noter que les enseignantes et enseignants du premier cycle ont reçu en moyenne trois journées de formation avant l’entrée en vigueur de la réforme, et trois journées en cours d’année, ce qui ne les empêche pas de trouver cette formation insuffisante ou très insuffisante à 54%. Un autre élément qui a fait l’objet d’une revendication c’est qu’il faille, de façon réaliste, trois ans pour réussir à modifier l’essentiel des pratiques d’enseignement en fonction des exigences de la réforme. Seulement 29 % du personnel enseignant croit avoir une bonne ou une très bonne connaissance de l’évaluation des apprentissages, un chiffre qui peut s’expliquer par la sortie très tardive du Projet de politique d’évaluation des apprentissages.

Il ne faut pas se surprendre, dans le contexte d’improvisation de cette première année que 60 % des répondants trouvent insuffisants ou très insuffisants les outils mis à leur disposition pour aider à l’implantation de la réforme. De façon spontanée, 28 % des répondants à qui on avait demandé d’identifier l’irritant ou la difficulté majeure dans l’application de la réforme nomment le manque de temps, immédiatement suivi par la formation insuffisante ou inadéquate (22 %).

LES ENQUÊTES POUR LE DEUXIÈME CYCLE

La Fédération des syndicats de l’enseignement (CSQ), et l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec ont aussi voulu mesurer, par des enquêtes internes rigoureuses l’état de préparation des enseignantes et enseignants du deuxième cycle du primaire (3e et 4e années), qui vont commencer à la fin d’août à implanter la réforme des programmes dans leurs classes.

Du côté francophone, 86 % des répondants ont participé à des activités de formation depuis le début de l’année scolaire, en lien avec la réforme des programmes (75 % chez les anglophones). Au total toutefois 63 % n’ont participé qu’à 2,5 jours ou moins de formation.

Si 88 % des professeurs francophones du deuxième cycle (84 % chez les anglophones) ont été formés sur la philosophie de la réforme, d’autres éléments ont été moins bien couverts. 61 % n’ont pas entendu parler des changements apportés au contenu des matières (73 % chez les anglophones), la moitié n’ont pas été instruits de l’approche par compétences (68 % pour les anglophones), 80 % n’ont pas reçu de formation sur l’usage pédagogique des nouvelles technologies, 85 % n’ont reçu aucune formation sur les nouvelles approches en évaluation et la moitié n’en savent pas plus sur les nouvelles approches pédagogiques (61 % dans l’enquête de l’APEQ).

Il ne faut donc pas se surprendre si 80 % ne se sentent pas suffisamment outillés pour se servir des nouvelles approches en évaluation et si 55 % ne se sentent pas à l’aise avec l’approche par compétences.

LES SOLUTIONS

Pour Johanne Fortier, présidente de la FSE et Pierre Weber, président de l’APEQ, le ministère de l’Éducation, qui s’est doté de ses propres instruments de mesure, aurait dû mieux évaluer les difficultés réelles rencontrées par le personnel enseignant et les reconnaître à leur juste valeur plutôt que de les enrober dans un discours lénifiant, agrémenté d’une tape sur l’épaule. Les fédérations syndicales rappellent, sans plaisir, qu’elles avaient attiré l’attention sur ces difficultés dès décembre dernier.

Bien sûr il y aura de l’argent neuf injecté dans la réforme, dès la prochaine rentrée, mais les enseignantes et enseignants du deuxième cycle n’ont pas jusqu’ici bénéficié d’une meilleure formation que ceux du premier cycle qui la jugeaient insuffisante à 54%. Les commissions scolaires n’ont pas encore bougé, parce que la répartition de ces montants additionnels ne leur est pas encore connue.

Les tables locales de suivi de l’implantation de la réforme, formées dans chacune des commissions scolaires, doivent devenir des lieux où on décidera des moyens de soutien à l’implantation, pas juste des forum de discussion qui valideront par avance les décisions unilatérales des commissions scolaires, des directions d’école. Les professeurs doivent être partie prenante de l’implantation de la réforme et des moyens de sa mise en œuvre et les tables locales ont été créées pour cela. Le ministre devra le dire, le répéter.

C’est aussi localement que pourront être élaborés et adoptés les programmes de formation qui devront être échelonnés, et les mesures d’accompagnement en accord avec les besoins exprimés par les enseignantes et enseignants. Autrement cette décentralisation à outrance deviendra une simple déresponsabilisation.

Le MEQ doit aussi reconnaître expressément que le rythme d’implantation de la réforme, pour chacune des années visées, doit s’échelonner sur trois ans, et consolider encore pendant deux ans la réforme au premier cycle.

La « minceur » de la réponse ministérielle à la consultation sur la Politique d’évaluation des apprentissages déconcerte. On reste sans réponse sur les alternatives au redoublement, réclamées par les profs, et sur l’ensemble des outils et des moyens à leur disposition pour assurer l’évaluation au quotidien. La nouvelle proposition d’examens nationaux en 6e année ne faisait même pas l’objet de consultation.

Pour les deux fédérations syndicales, maintenant que le MEQ et les autres acteurs de l’éducation ont pris connaissance des problèmes réels rencontrés, il leur faut agir. Ils n’ont plus l’excuse de l’ignorance.


Pour information :

Jean Laporte, attaché de presse de la FSE
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Ronald Hughes, APEQ
514-694-9777
514-234-8571 (cell.)