L’école à trois vitesses, parlons-en!
12 janvier 2023
D’après le Conseil supérieur de l’éducation et de nombreuses recherches, le Québec décroche le prix citron du réseau scolaire le plus inégalitaire au Canada. Pour donner suite à des années de croissance de l’école privée (subventionnée) et des projets sélectifs publics, une nouvelle étape a été franchie récemment alors qu’on apprenait qu’au secondaire, c’est près d’un élève sur deux qui les fréquente. À peine nommé, le ministre de l’Éducation s’est cependant empressé de nier cette réalité, avant de devoir nuancer quelque peu sa position dans les jours qui ont suivi.
La mission du ministre de l’Éducation est de favoriser la réussite de tous les élèves du Québec, et il est vrai que les projets particuliers peuvent avoir des bienfaits pour celles et ceux qui y ont accès. En revanche, on ne peut accepter que la sélection serve à accentuer la ségrégation scolaire et sociale; c’est pourtant ce à quoi on assiste au Québec. Alors que, depuis 20 ans, il a été choisi d’inclure les élèves en difficulté dans les classes dites ordinaires, on accepte pourtant que celles-ci soient privées de leurs meilleurs éléments. Certains élèves ont des besoins importants qui nécessitent des classes spéciales, mais pour les autres, les études démontrent depuis longtemps que d’avoir des classes hétérogènes, représentatives de la population, bénéficie aux plus faibles sans pour autant porter préjudice aux plus forts. Ajoutons que notre système d’éducation à trois vitesses se traduit par la formation de groupes difficiles et complexes à gérer et il nuit à la réussite du plus grand nombre. De plus, il contribue à l’épuisement du personnel enseignant et le conduit vers la porte de sortie, aggravant ainsi la pénurie de personnel qualifié, ce qui n’aide en rien les élèves.
La bonne nouvelle est que plusieurs options sont possibles pour améliorer la situation. Premièrement, rééquilibrer la composition de la classe et améliorer les services pour les élèves à besoins particuliers à court terme. Deuxièmement, mettre fin au financement public des écoles privées et instaurer un temps minimum pour les matières obligatoires. En complément, sur le plan de l’organisation scolaire, le Ministère pourrait favoriser les écoles qui n’imposent aucuns frais aux parents pour des projets particuliers, qui composent des classes hétérogènes et où aucune sélection d’élèves n’est permise sur la base des résultats scolaires. De son côté, le mouvement l’École ensemble propose d’avoir des écoles secondaires publiques et privées avec chacune leur bassin d’élèves et où tous les élèves qui seraient dans le nouveau parcours régulier auraient des options.
Les parents et la population appuient l’idée d’une école publique de qualité et lui font d’ailleurs confiance au primaire où leurs enfants fréquentent généralement l’école du quartier. Pourtant, au secondaire, dans une situation de sélection et de classes aussi disparates, quels parents capables d’éviter la classe ordinaire décideront, tout d’un coup, d’y inscrire leur enfant?
Pour que le réseau scolaire s’améliore et se modifie globalement au bénéfice de toutes et tous, seul le gouvernement, mobilisé par la société civile, peut en être le maître d’œuvre! Remettre en question l’école à trois vitesses ne signifie pas s’opposer aux besoins et aux aspirations des jeunes et de leur famille; c’est vouloir construire un Québec où l’on favorise l’égalité des chances, la cohésion sociale et la réussite éducative.
Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ