L’évaluation des apprentissages des élèves

3 juin 2009

Alors que les élèves amorcent le « dernier droit » de l’année scolaire, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) dénonce le cafouillis énergivore qu’est devenue l’évaluation des apprentissages des élèves, une tâche rendue titanesque pour les enseignantes et les enseignants et qui nécessite d’être revue en profondeur, comme nous le demandons depuis quelques années déjà.

 

L’introduction de la notion de développement des compétences dans le nouveau curriculum scolaire, en plus de l’acquisition des connaissances, a compliqué considérablement la tâche d’évaluation à cause de la nature même de ce qu’on doit maintenant évaluer. En effet, il est beaucoup plus complexe et lourd d’évaluer le développement d’une compétence que de vérifier l’acquisition des connaissances, puisque davantage d’éléments doivent être pris en compte pour éviter d’être subjectifs.

 

Depuis l’arrivée de la réforme, il y a de cela plus de dix ans, les tâches évaluatives consistent à juger si l’élève est capable d’utiliser ses « ressources » au moment opportun, selon le jargon ministériel. Ainsi, pour évaluer, les enseignantes et les enseignants sont fortement incités à utiliser une variété de moyens. L’utilisation de grilles d’observation, de portfolios et de situations d’évaluation complexes prend le dessus sur les tests à réponse unique qui évaluaient les connaissances. L’élève doit également s’engager dans son apprentissage en participant à son évaluation. Tous ces nouveaux outils exigent des enseignantes et des enseignants qu’ils investissent un nombre d’heures considérable pour maîtriser ces nouvelles approches méthodologiques et pour corriger les nombreuses épreuves. Il faut savoir que la correction d’un texte de 2e secondaire de 450 mots prend de 20 à 30 minutes par copie. Comme les enseignantes et les enseignants ont souvent 4 groupes comprenant environ 30 élèves chacun, cela nécessite près de 60 heures consacrées à la correction. Au primaire, les 4 épreuves ministérielles de 6e année prennent à elles seules entre 17 et 24 heures de correction, et cette durée peut être doublée quand le groupe est plus faible. Quant aux spécialistes, ils doivent évaluer le développement des compétences des nombreux élèves qu’ils voient somme toute assez peu dans une semaine. Convenons qu’une partie de ce temps pourrait être mieux utilisée !

 

La FSE, après avoir mené plusieurs consultations auprès des enseignantes et des enseignants du secondaire et du primaire, est d’avis qu’il faut diminuer le nombre de compétences à traiter. Nous pensons qu’un seul résultat par matière, à l’exclusion du français, des mathématiques et de l’anglais, pourrait renseigner les parents de façon tout aussi adéquate. Est-il vraiment indispensable que l’on sache comment notre enfant performe vis-à-vis des compétences « Interroger les réalités sociales dans une perspective historique », « Interpréter les réalités sociales à l’aide de la méthode historique » et « Construire sa conscience citoyenne à l’aide de l’histoire » ? Une seule note en Histoire et éducation à la citoyenneté avec un commentaire judicieux de l’enseignante ou de l’enseignant ne serait-il pas préférable ? Cela permettrait d’aérer les bulletins transmis aux parents et faciliterait la communication entre l’école et la famille.

 

De plus, les programmes par compétences, tels que rehaussés, sont plus exigeants que les programmes par objectifs, puisqu’ils présupposent un niveau de connaissances et une maturité que les élèves n’ont tout simplement pas encore atteints, ce qui se traduit très souvent par de plus faibles résultats académiques. Cet état de fait inciterait même certaines directions à demander aux enseignantes et aux enseignants de modifier les exigences à la baisse ou les résultats à la hausse, ce qui risque d’entraîner une diplomation

 

En classe, l’enseignante ou l’enseignant doit pouvoir bénéficier de la marge de manœuvre que lui confère son autonomie professionnelle pour que son évaluation vérifie vraiment les apprentissages des élèves. L’autonomie du personnel enseignant dans la confection des tâches évaluatives implique que c’est lui qui choisit les items qui permettront de vérifier l’acquisition des connaissances autant que le développement des compétences. Or, les nombreux changements apportés par la réforme nous amènent à constater que les multiples obligations faites aux enseignantes et aux enseignants quant aux manières d’enseigner et d’évaluer ont entraîné une perte d’autonomie dans leur pratique quotidienne, ce que nous déplorons vivement.

 

L’épineuse question de l’évaluation des apprentissages est dénoncée depuis longtemps par la FSE. Certes, le ministère de l’Éducation a annoncé qu’il ferait certains redressements. Mais plusieurs changements se font encore cruellement attendre, alors que d’autres n’ont été que cosmétiques ou illusoires, comme le passage du bulletin en cotes vers celui en « fausses notes » issues d’un barème. Sans la volonté politique nécessaire pour revoir de fond en comble la question de l’évaluation des apprentissages, les enseignantes et les enseignants continueront à consacrer un nombre disproportionné d’heures à évaluer, au détriment du travail qu’ils doivent faire et qu’ils souhaitent faire, c’est-à-dire enseigner. Voilà l’ampleur du redressement attendu et nécessaire en matière d’évaluation, coup de barre qui servira à rehausser la qualité des apprentissages faits à l’école. Pour y arriver, il faudra d’abord et avant tout reconnaître à leur pleine mesure le rôle et l’expertise des enseignantes et des enseignants.

 

 

Manon Bernard, présidente
Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ)

 


La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) est affiliée à la Centrale des syndicats du Québec. Elle est formée de la plupart des syndicats d’enseignantes et d’enseignants de commissions scolaires du Québec et elle compte près de 60 000 membres provenant de tous les secteurs d’enseignement.