Un abus de pouvoir sur le dos des profs
21 mai 2021
Le 18 mai dernier, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a fait une malencontreuse déclaration voulant que l’état d’urgence sanitaire était toujours nécessaire au Québec compte tenu des négociations avec les employés de la fonction publique. Le ministre a eu beau tenter de se reprendre par la suite, le chat était malheureusement sorti du sac.
Dans les faits, il a confirmé tout haut ce que l’on constatait déjà sur le terrain : c’est plus plaisant pour un gouvernement de négocier quand celui-ci s’est octroyé des droits exceptionnels par décrets. Il peut même en abuser ouvertement et en étendre la portée, au plus grand mépris des travailleuses et travailleurs, dont le personnel enseignant qui se fait imposer de l’enseignement à distance comme mode de contournement illégal de l’exercice de moyens de pression syndicaux pourtant parfaitement légaux.
Dans la situation d’urgence sanitaire que nous vivons, les décrets prévoient que les écoles basculent en enseignement à distance pour remédier à une fermeture de classe ou d’école, évidemment quand c’est en lien avec la pandémie. Cependant, ce n’est pas prévu pour tout autre prétexte, comme celui de contourner l’exercice d’un droit de grève, qu’il soit exercé par les enseignantes et enseignants ou par des collègues de l’équipe‑école. C’est pourtant ce que plusieurs centres de services scolaires et commissions scolaires font, avec la complicité du gouvernement. Ce gouvernement, plutôt que de négocier de bonne foi en respectant les règles du jeu imposées par nos lois, triche pour faire pencher le rapport de force en sa faveur en utilisant hypocritement des décrets dont l’objectif est de protéger la santé publique.
Cette façon de faire éhontée tente de créer de la division dans les milieux et entraîne une surcharge de travail pour le personnel enseignant qui doit, une fois de plus, refaire sa planification et s’adapter à des consignes qui changent continuellement. Parce que oui, enseigner à distance, ça nécessite de la préparation, et plus souvent qu’à leur tour cette année, les enseignants l’ont fait sur leur propre temps, et ce, sans compensation ni reconnaissance.
Mais que le gouvernement se le tienne pour dit : nous sommes solidaires de nos collègues. C’est ensemble que nous revendiquons une amélioration de nos conditions d’exercice, qui sont aussi les conditions d’apprentissage des élèves.
Évidemment, la FSE-CSQ et l’APEQ ont contesté cette pratique déplorable par griefs, et un arbitrage est en cours afin de faire confirmer notre prétention du caractère illégal du basculement en enseignement à distance pour d’autres raisons que celles prévues dans les décrets de l’état d’urgence sanitaire. Une décision devrait être rendue d’ici la fin de l’année scolaire.
On ne peut que déplorer les stratégies de contestations judiciaires successives et très tardives des employeurs, qui ont eu pour effet de bloquer nos tentatives de contestation d’urgence lors de notre premier mouvement de grève. Ils ont retenu sciemment l’information aux parents et contesté à la toute dernière minute, alors qu’ils auraient pu utiliser ce temps pour trouver des solutions aussi novatrices que nos moyens de pression. Encore là, ce geste de mauvaise foi n’est pas à l’honneur des organisations scolaires.
Mais en attendant, on sait que d’autres journées de grève sont annoncées. Que fera le gouvernement? Accélèrera-t-il les pourparlers aux tables en donnant de vrais mandats à ses négociateurs ou donnera-t-il une fois de plus aux organisations scolaires sa bénédiction pour fonctionner en toute illégalité?
Honte au ministère de l’Éducation de cautionner cette pratique. Après cette entorse éthique à la loi qui ne l’honore pas, le gouvernement va-t-il nous préparer une autre publicité mensongère à coup de millions de dollars pour nous expliquer que c’est comme ça qu’il valorise et reconnaît la profession enseignante? Le mépris, ça suffit! Les profs méritent mieux.
Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ
Heidi Yetman, présidente de l’APEQ-QPAT