Tout va très bien, Madame la Marquise!
22 novembre 2019
Le sous‑ministre de l’Éducation a soutenu, lors d’un passage à l’Assemblée nationale, que l’ajout de deux récréations d’au moins 20 minutes par jour se passait très bien. Cette affirmation m’indigne, car clairement il n’a pas assisté aux mêmes assemblées générales des enseignantes et enseignants que moi dans la dernière année. Du personnel enseignant émotif m’expliquait, au printemps, qu’il n’arriverait pas à absorber ces heures supplémentaires dans son horaire.
Certes, la mise en place de ces deux récréations s’est bien déroulée dans certains milieux, soit parce qu’elles étaient déjà présentes ou encore parce qu’il restait des possibilités dans l’horaire. Des commissions scolaires ont même choisi d’en repousser la mise en œuvre à l’an prochain. Je me demande sur quoi il s’appuie pour prétendre que tout va bien? A-t-il reçu un bilan d’implantation qui ne nous aurait pas été partagé?
Le fait que les enseignantes et enseignants sont professionnels et font avec cette décision qui leur est imposée ne signifie pas que tout va bien. Affirmer le contraire est un déni de la réalité. Ils ont plutôt choisi leur combat. Ils manquent de temps pour s’offusquer au quotidien de chacune des décisions gouvernementales qui alourdissent leur tâche ou dégradent leurs conditions de travail.
Dans les faits, on ne sait pas réellement si ça se passe aussi bien que le prétend le sous‑ministre. À certains endroits, des services directs aux élèves dispensés par le titulaire ne se donnent plus. De plus, des enseignantes et enseignants annoncent que, l’an prochain, ils changeront d’établissement, car commencer 20 minutes plus tôt le matin représente un casse‑tête pour leur conciliation famille-travail!
Pourquoi mettre des lunettes roses, et encore une fois faire fi de la réalité du personnel enseignant? S’il existe vraiment, j’aimerais qu’un bilan nous soit présenté et qu’on nous dise comment il a été réalisé avant qu’une telle affirmation soit faite. Si tel n’est pas le cas, je souhaiterais l’entendre dire qu’il tentera, pendant la négociation, de trouver des solutions pour les milieux où la situation est plus difficile. Pourquoi les apparences semblent-elles plus importantes que l’aspect humain dans ce délicat dossier?
Présentement, ce gouvernement essouffle les enseignantes et enseignants qui tentent de « survivre » pour passer à travers l’année scolaire. Ainsi, dans une période où les gens ont tellement d’autres chats à fouetter, le champ est libre pour faire de telles déclarations, sans vérifications auprès des premiers concernés. Je me demande si l’espace pour réfléchir ensemble, dans l’objectif de trouver des solutions, nous sera offert avant de retomber dans la tourmente de l’organisation scolaire 2020‑2021. Un jour, il faudra prendre du recul pour avoir une vue d’ensemble sur les modifications implantées depuis plusieurs années au lieu de dire à la pièce que tout va bien dans les écoles. Ces ajouts insidieux à la tâche rendent la profession encore plus difficile et complexe pour les profs alors que plusieurs sont en souffrance, et qu’on dit pourtant vouloir la valoriser.
Enfin, au moment de planifier la prochaine année scolaire et de choisir leur affectation, on verra bien si les milieux seront aussi silencieux dans ce dossier qui me fait réagir aujourd’hui.
Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ