Écouter les enseignantes et enseignants, une recette gagnante pour rénover les écoles

16 avril 2019

Cette semaine, dans tous les médias, nos trois personnalités du Lab-École nous parlaient avec passion de leur projet d’imaginer et de réaliser l’école de demain. Des personnalités qui souhaitaient faire profiter notre gouvernement de leur notoriété, de leurs connaissances et faire plus pour le monde de l’éducation. Du moins, c’est ce qu’on comprenait lorsqu’on écoutait leurs explications. Des objectifs louables, en effet.
On apprend qu’ils ont longuement réfléchi aux douze ingrédients incontournables à réunir pour nous mijoter l’« école de demain ». En fait, aux sept écoles de demain pour lesquelles ils ont reçu le mandat de construire et de rénover. Des écoles qui seront de 20 % à 25 % plus grandes et plus dispendieuses que les autres. On y apprend que le financement initial de 60 M$ excède d’ailleurs de 15 % le budget alloué aux autres projets du genre au Québec. « Mais peu importe combien ça va coûter, combien on va sauver par enfant qui ne décroche pas? Par enseignant qui sera plus en santé? », a demandé Ricardo Larrivée, auprès des différents médias qui avaient été convoqués.
Ils ont lancé un beau livre pour expliquer ces projets qui nous font tous saliver. C’était un exercice réussi de publicité et de marketing. C’est beau rêver, mais n’oublions pas que, pendant ce temps, beaucoup de toits coulent et des murs se couvrent de moisissures.
Voici un peu de réalité : le Québec compte plus de 3 300 écoles publiques de niveaux primaire et secondaire, dont la majorité a été construite entre 1948 et 1973. 69 % d’entre elles datent d’avant la création du ministère de l’Éducation. La plupart sont au terme d’un premier cycle de vie architectural, qui est d’une durée d’environ 50 ans.
Ces écoles font face à de nombreux défis d’entretien, mais aussi d’organisation de l’espace. Mais au lieu de demander l’opinion de trois personnalités qui ne proviennent pas du milieu de l’éducation, les responsables du projet Schola.ca, sous le leadership d’un consortium de chercheuses et chercheurs en architecture, en design et en éducation de l’Université Laval, ont discrètement et respectueusement décidé de consulter à grande échelle les enseignantes et enseignants et le personnel dans les écoles pour connaître les besoins réels dans les salles de classe. La plateforme Schola.ca développe un guide d’aide servant aux divers acteurs de la rénovation du réseau scolaire. Un guide rempli de « pensez-y-bien » concrets et répondant à de vrais besoins. La FSE‑CSQ a ouvert toute grande la porte de ses écoles au printemps 2018 pour que ses enseignantes et enseignants puissent enfin parler avec les architectes et autres personnels qui auront la responsabilité de les rénover. Plus de 1 000 questionnaires longs sont revenus, riches en information, et que l’équipe de Schola.ca analyse toujours.
Tout y est questionné : type de pédagogie, nombre d’élèves, type de mobilier nécessaire, aménagement de la classe, confort, ambiance, bruit, lumière, ventilation, vestiaires, rangement, déplacements, espaces communs, cantine, couloirs, cours d’école, plateaux… Même l’usage dans le temps des locaux en fonction des différents horaires et des saisons y sera considéré.
Ainsi, nos futurs architectes de bâtiments scolaires qui ne bénéficient pas de publicité et qui ne pourront pas, eux, excéder de 25 % leur budget sans en subir les conséquences, eh bien, ils sauront qu’un local avec de très belles et grandes fenêtres pour laisser entrer la lumière, ça peut vite devenir un véritable sauna… surtout si le soleil plombe et que la climatisation et la ventilation ne font plus partie des plans, parce que trop chères.
Le dernier budget consacre des sommes importantes aux immobilisations. Mais nous avons encore beaucoup de pain sur la planche pour que les rénovations d’école soient dûment financées, pour que l’ensemble de notre parc immobilier soit sain, fonctionnel et inspirant. Le Lab-École fait assurément rêver de grand et de beau. De son côté, le projet Schola.ca ne fera pas la manchette. Dommage. Mais il fera une vraie différence pour le personnel enseignant et les élèves quand le rideau tombera et que les projecteurs s’éteindront. Écouter les enseignantes et enseignants, c’est toujours une recette gagnante.
Josée Scalabrini, présidente de la FSE