Le droit de crier sa souffrance

10 décembre 2018


Nous sommes tous choqués de lire le texte « Congédier la messagère » de Patrick Lagacé. Une commission scolaire qui entame un processus de congédiement d’une enseignante épuisée, comme tant d’autres au Québec, mais qui a eu le courage de parler à visage découvert de sa réalité, de son désarroi, de sa profession en souffrance. Je ne sais pas comment qualifier cette décision tant elle me fâche et me désole. Cette enseignante, c’est nous toutes et tous. Ce qu’elle a décrit, je l’ai entendu des milliers de fois, avec des milliers de couleurs, dans les assemblées d’enseignantes et d’enseignants de tous secteurs, où je vais presque chaque semaine.
De ce qu’on en comprend, son employeur veut la congédier essentiellement parce qu’il lui refuse le droit de crier sa souffrance. Il trouvera peut-être un alinéa ou un stratagème pour lui reprocher quelque chose, pour lui indiquer à sa manière radicale qu’il fallait qu’elle endure et qu’elle encaisse sans se plaindre. Pourtant, en criant cette souffrance, elle ajoute ses bras aux nôtres pour aider ces milliers d’enseignantes et d’enseignants à ne pas se sentir seuls. Elle contribue à illustrer concrètement un problème auquel le gouvernement doit s’attaquer en priorité s’il veut pouvoir attirer des jeunes en enseignement, et y garder les plus expérimentés.
Les chiffres sur l’épuisement des profs sont pourtant là. Encore la semaine dernière, on pouvait lire dans les médias que le nombre de congés de maladie chez le personnel enseignant est en hausse de 13 % depuis cinq ans (Dion-Viens, Daphnée, « Encore plus de profs en congé de maladie », Journal de Québec, 7 décembre 2018). À chaque fois, l’enjeu est de taille quand il faut trouver des enseignantes et enseignants pour témoigner et illustrer ces chiffres avec des réalités de leur quotidien. La décision sauvage rendue par l’employeur de cette enseignante n’incitera certainement pas d’autres profs à dénoncer des situations absolument inacceptables. On parle pourtant, depuis des années, de l’importance de la liberté d’expression, tout comme du besoin de protéger les lanceurs d’alerte dans notre société…
Je nous propose de réclamer tous ensemble, d’une même voix, le droit de crier notre souffrance quand elle devient intenable. Notre organisation syndicale va assurément le faire. J’ai hâte d’entendre ce qu’en dira le ministre de l’Éducation, qui veut valoriser la profession enseignante en priorité.
Entre-temps, je nous invite tous à signer la pétition initiée par Debout pour l’école, qui demande justement de lever toute entrave à la prise de parole publique des enseignantes et enseignants concernant leur réalité, ce qui va exactement dans le sens des revendications de la FSE (CSQ).
Solidarité!

Josée Scalabrini
Présidente de la FSE