Les services avant la bureaucratie!

2 septembre 2016

Entre 2013 et 2015, un nombre important d’élèves en difficulté ont été privés des services auxquels ils ont droit à l’école, parce que le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) a refusé de leur octroyer le financement nécessaire, apprenait-on récemment dans le Journal de Québec.

Pour que les commissions scolaires puissent bénéficier des sommes additionnelles allouées pour les élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage ou d’adaptation (HDAA), le dossier de chacun des élèves doit être approuvé par un fonctionnaire du MEES. Or, au cours des deux dernières années, la proportion des dossiers rejetés est passée de 11,9 % à 17,2 %. Pour la seule année 2014-2015, ce sont les dossiers de plus de 1 500 élèves qui ont été rejetés!

Cette situation est pour le moins préoccupante. Les dossiers de ces élèves présentent la plupart du temps des diagnostics posés par une équipe multidisciplinaire, qui comprend plusieurs professionnels et parfois même un médecin. Certains parents doivent débourser de leur poche une somme considérable pour obtenir un diagnostic, en raison des longues listes d’attente qui affligent le système public.

Si un psychologue estime qu’un élève a besoin de services particuliers, pourquoi un fonctionnaire du Ministère aurait-il le pouvoir d’en décider autrement? A-t-il seulement les compétences et le temps suffisant pour évaluer correctement un dossier qui contient, comme c’est parfois le cas, un diagnostic médical d’une dizaine de pages? Quand on sait que plus de 10 000 dossiers d’élèves doivent être évalués chaque année par l’équivalent d’une seule personne à temps plein au MEES, on peut se permettre d’en douter. En plus de n’avoir aucun sens, de telles décisions sont dévalorisantes pour le personnel des écoles qui investit énormément de temps et d’énergie à la préparation de ces dossiers.

De plus, certaines règles du MEES pour la validation des dossiers sont inutiles et n’ont pour effet que d’embourber le système. Par exemple, un enfant présentant un trouble du spectre de l’autisme peut se voir refuser des services si son diagnostic remonte à plus de douze mois. Comme ridicule, avouons que c’est difficile à battre! Cela démontre bien à quel point le MEES est déconnecté de la réalité terrain et des élèves HDAA…

Et le problème n’est pas banal. Les chiffres sont éloquents. Pour l’année 2014-2015, le MEES a refusé de valider le dossier d’un enfant sur quatre présentant un trouble grave du comportement et celui d’un enfant sur cinq présentant un trouble de la psychopathologie. Les dossiers d’un enfant autiste sur dix ont aussi été refusés. Curieusement, ces trois types d’élèves à besoins particuliers bénéficient d’une pondération à priori, qui influence à la baisse le nombre d’élèves dans un groupe. Quand on sait que la partie patronale voulait mettre fin à cette pondération à priori lors de la dernière ronde de négociations, on peut se demander si ces nombreux refus ne sont pas une façon détournée de poursuivre les coupes en éducation.

Depuis quelques mois, des représentants du Ministère ont laissé entendre que des modifications seraient apportées à cette façon de faire qu’ils estiment désuète. Souhaitons que les travailleuses et travailleurs du réseau scolaire, qui sont aux premières loges pour constater les failles du système actuel, seront consultés pour cette réforme importante du financement des élèves HDAA. Jusqu’à maintenant, c’est le silence radio. Nous resterons à l’affût pour nous assurer que la nouvelle façon de faire sera au service des élèves en difficulté et des enseignantes et enseignants qui les accompagnent.

Quand un enfant vivant avec un handicap physique a besoin d’un fauteuil roulant, on le lui donne. S’il a besoin d’un appareil auditif, il l’obtient. Par contre, notre société est beaucoup moins prompte à offrir des services, tout aussi essentiels, à ces nombreux jeunes qui présentent des handicaps invisibles. Dans une société qui a toujours fait de l’égalité des chances une priorité, on ne devrait pas, en 2016, avoir à se battre pour que des élèves en difficulté reçoivent l’aide qu’ils méritent.

Josée Scalabrini
Présidente de la FSE