Formation accélérée à la FP: pourquoi se tirer dans le pied?

9 septembre 2022

Depuis que la pandémie a exposé au grand jour la pénurie de personnel en santé ainsi que ses conséquences dramatiques, on constate que les programmes accélérés ont la cote auprès de nos décideurs.

 

À l’été 2020, devant l’urgence de la situation, le premier ministre Legault a d’abord choisi d’offrir une formation avec une durée réduite de moitié à 10 000 préposées et préposés aux bénéficiaires (PAB) pour les CHSLD. Bien que de nouvelles personnes candidates ont pu être recrutées, attirées par les bourses et les conditions de travail promises, il reste qu’un bilan mitigé de cette expérience de formation réduite a été réalisé. Rappelons que près du tiers des personnes initialement sélectionnées a quitté le programme et a dû remettre ses bourses.

 

Dans ce qui semble être devenu une mauvaise habitude, le premier ministre a ensuite décidé de lancer une nouvelle formation accélérée sans consultation des expertes et experts qui l’enseignent. Concrètement, pour tenter de former en vitesse 2 000 infirmières et infirmiers auxiliaires sans couper, cette fois, dans le programme, celui-ci sera comprimé sur 14 mois au lieu des 22 requis actuellement. On passe ainsi de 25 ou 28 heures par semaine à 32 ou 35, le tout en poursuivant l’enseignement, selon les milieux, durant l’été, les jours fériés, etc. Il y a de quoi donner le vertige, surtout lorsqu’on sait qu’une partie significative des personnes qui suivront les programmes accélérés sont déjà inscrites dans sa version régulière et ne constitueront donc pas de « nouvelles » personnes amenées dans le réseau.

En voulant aller trop vite, on augmente les échecs et la précarité financière d’une partie de notre bassin de travailleuses et travailleurs potentiels. Pourtant, François Legault a tout de même récidivé cette semaine en promettant d’étendre la formation accélérée à de nouveaux secteurs, notamment en construction. Quelles seront les conséquences sur la sécurité durant la formation et sur les chantiers? Coupera-t-on dans la formation des infirmières et des médecins ou réservera-t-on cette dévalorisation au seul secteur de la formation professionnelle?

 

D’autres solutions sont possibles

Si l’objectif est d’augmenter le nombre de personnes qualifiées, il faut agir sur deux variables, soit attirer plus de personnes candidates et augmenter la réussite.

Au lieu de comprimer les programmes, le prochain gouvernement devrait plutôt se concentrer sur la mesure positive qu’il propose déjà : faire la promotion des formations actuelles, en y ajoutant des bourses. Cette dernière devrait aider à attirer de nouvelles candidatures tout en réduisant la nécessité de concilier travail et études. Il faudrait aussi augmenter les ressources pédagogiques et psychosociales dans les centres.

Enfin, on pourrait permettre le démarrage d’un plus grand nombre de petites cohortes en région, ce qui augmenterait les inscriptions, permettrait de réduire la précarité du personnel enseignant et favoriserait les apprentissages.

 

C’est franchement rafraichissant d’entendre le chef de la CAQ vouloir réinvestir en formation professionnelle. Aux autres partis, on a bien hâte de vous entendre! Il s’agit d’un rouage important de notre système d’éducation qui est trop souvent négligé avant, pendant et après les élections.

Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ