L’anglais mal enseigné au Québec? La mauvaise recette de valorisation de François Legault

Mot de la présidente

29 octobre 2021

Cette semaine, le premier ministre a tenu des propos malheureux et inacceptables sur l’anglais, qu’il estimait mal enseigné dans les écoles primaires et secondaires du Québec^¹. Les enseignantes et enseignants d’anglais se sont sentis heurtés, à juste titre. Parlait-il des enseignants ou des programmes? S’il parlait des profs, ses propos à leur endroit étaient indignes, et nous nous attendons à ce qu’il présente des excuses. S’il parlait des programmes, il a nécessairement des actions à poser comme premier ministre et des outils à fournir à ceux qui l’enseignent.

Depuis 13 ans, nous travaillons à valoriser la profession enseignante qui en a bien besoin. Malmenés par des changements populistes répétés et mal ficelés, par une charge de travail de plus en plus lourde et par un discours public ambiant parfois malsain, les enseignants ont grandement besoin de se sentir valorisés.

Heureusement, notre premier ministre, François Legault, a toujours eu l’art de mettre les enseignants en valeur. Les exemples éloquents abondent. Nos collègues plus expérimentés se souviendront d’un ministre de l’Éducation qui, à l’époque de la lutte que nous avons dû mener pour faire reconnaître notre temps de travail, clamait que nous voulions être payés pour lire des revues!

S’il a toujours été en faveur de rehausser le salaire des enseignants, allant jusqu’à vouloir différencier les salaires de certains d’entre eux selon les circonstances, il s’est cependant montré particulièrement insistant quant à leur évaluation. M. Legault a préféré laisser entendre que la sécurité d’emploi protège les profs incompétents, trop nombreux à son avis. C’est tellement plus facile que d’expliquer les dispositions déjà existantes pour évaluer, accompagner et congédier les enseignants. Une autre belle contribution pour redorer l’image des profs!

Et en pleine période de pandémie, alors que les enseignants portent une fois de plus l’école à bout de bras, pourquoi prendre la peine de les aviser du contenu des conférences de presse portant sur les enjeux de santé publique en éducation, alors qu’il est plus simple pour eux d’apprendre ce qui les concerne à la télé nationale? La même façon de faire lui a été utile pour annoncer une réforme de la formation professionnelle et un nouveau cours de culture et de citoyenneté québécoise durant le discours inaugural, mais bon, on s’en doutait, une fois rendus à cette étape. Nous sommes des partenaires valeureux et respectés, pourrait-on ironiser.

Lors des dernières négociations, le salaire des enseignants a été majoré, et c’est heureux et mérité. Assurément, la rémunération d’un emploi contribue à sa valorisation, mais depuis, on entend le premier ministre se targuer d’avoir voulu ainsi valoriser les enseignants. Nous savons que ce n’est pas tout à fait exact. N’aurait-il pas plutôt agi prudemment face à la perspective d’un futur règlement des plaintes en équité salariale déposées par plus de 5 000 enseignants de la FSE‑CSQ? Des milliers de plaintes pour contester l’évaluation de notre rangement salarial, pour des exercices qui, globalement, perdurent de manière risible depuis 2010. Nos plaintes sont fondées et justifiées. Le gouvernement sait que nous avons raison, et il prend les devants en prétextant agir pour valoriser. Pourtant, si ses intentions étaient sincères, il aurait aussi entendu le cri du cœur des profs quant à la problématique de la tâche, bien plus inquiétante à terme pour l’attraction et la rétention du personnel dans un réseau en pénurie.

Valoriser les enseignants, c’est une question de respect du travail effectué. Au fil des ans, les propos et les actions du premier ministre du Québec trahissent le fond de sa pensée. Quoi que François Legault en pense, sa formule pour valoriser les enseignants n’est pas une recette gagnante.

Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ

[1] CASTONGUAY, A. (2021). « Nouvelle session parlementaire : Entrevue avec François Legault », Midi info, [Webradio]. (vers 16 min 20 s).

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